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Citations sur Comme des frères (19)

L'avenir on ne voulait pas y penser. Devenir agents d'assurances, vendeurs de bagnoles, DRH, chargés de clientèle, téléconseillers, comme nos pères et nos mères. Dealers comme les grands frères. Ou grossir le rang des chômeurs.
Décrocher un CDI, le nouveau Graal. Et puis le réchauffement climatique... On ne voulait pas penser à toute cette merde. On préférait regarder des vidéos de Norman.
L'avenir, on n'en avait pas envie.

Page 121, L’Iconoclaste, 2020.
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On avait des boutons et quelques poils au menton, les cheveux gras et le nez luisant. La grâce de l'enfance nous avait quittés. Moches et cons, on était. En classe on s'emmerdait à mourir. On tenait pas en place. On avait envie de se masturber, de se lever, de renverser la table et de péter un carreau à coups de poing ou à coups de chaise. De sortir par la fenêtre ou par la porte pour se tirer en courant, dévaler les escaliers en hurlant et sortir de cette cage. Courir vite et loin, très loin de ce collège pourri qui puait la pisse et la cantine rance. Courir ailleurs, loin de nous. Le plus loin possible.

Page 47, L’Iconoclaste, 2020.
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Raphaël, c'est pas très viril comme prénom. Je ne suis pas très viril. Fils unique, en plus. J'aurais dû avoir un frère mais il est mort avant d'être né. Après, ma mère était trop vieille. Dommage, j'aurais aimé avoir un frère chiant ou une sœur pénible, comme tous mes potes.
Mes cheveux sont fins, châtain, mes yeux ni bruns ni verts. J'ai les joues un peu trop creuses et les yeux un peu trop cernés. Je me tiens mal, un peu trop voûté. Je suis grand, mes pieds sont grands. Je n'ai pas de poils sur le torse. Pas assez de muscles. Pas de tatouage, pas de piercing. J'ai coupé mes cheveux — avant je les portais assez longs, à la Kurt Cobain. Je suis quelqu'un de banal. Je ressemble à tout le monde ou à personne en particulier et c'est très bien. Je suis insipide et je rêve d'être invisible. Me promener dans les rues comme un fantôme. Voir ceux que j'aime sans être vu par eux. Juste les regarder vivre. Avoir des bras aussi inconsistants qu'un petit filet de brume pour les serrer et les envelopper en silence, sans les déranger, sans les faire pleurer.

Pages 20-21, L’Iconoclaste, 2020.
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J’avais cinq ans, c’est très loin mais je me rappelle de ça. De la chape de plomb qui avait recouvert la maison devenue silencieuse, de la tristesse de ma mère qui restait prostrée dans le canapé toute la journée, de mon père qui liquidait dans la petite chambre, rapidement et discrètement, tout le mobilier, les accessoires et les vêtements que ma mère avaient achetés. Cette pièce est devenue un bureau ou personne ne met les pieds. On y stocke un tas de bordel dont on ne se sert plus mais qu’on ne veut pas jeter.
Je ne sais pas si elle s’en est remise, ma mère, du petit cadavre de quatre mois et demi. À ses accès de gaieté pleine d’énergie succèdent de longues phases de mélancolie et elle transpire le désespoir par tous les pores de sa peau. Quand elle est comme ça, j’ai envie de la prendre dans mes bras, de la bercer, de lui filer des baffes, de décaler l’escalier pour sortir de là en urgence, respirer un grand coup et m’éloigner de cette baraque qui pue le souvenir enfoui de ce petit cadavre de quatre mois et demi qui lui a brisé le cœur.
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"J’aimerais faire une petite marche arrière. Remonter le cours du temps. Effacer la journée maudite. Remonter à l’époque des dinosaures Schleich. Ou pas si loin. Quelques années. Six ans et quatre mois, pour être précis."
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Ma bande de potes. Je les regardais et je ne pouvais plus m'arrêter de rire. Et on gueulait comme des mômes, passant et repassant sous les jets de la fontaine. L'eau étincelait, et nos rires aussi. On se sentait libres, jeunes et vivants.
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Je n'ai que vingt-deux ans et déjà, trois personnes me manquent, terriblement.
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La tristesse a une couleur – pour moi gris serpillière.
La couleur du ciel après la pluie.
La peur a une odeur. Les chiens la reniflent, on m’a appris ça quand j’étais môme. Il faut éviter de transpirer la trouille quand on croise un chien. À l’école et au collège c’est pareil. On est comme des chiens. La peur on la renifle. Elle rend agressif. Elle excite la meute.
Tu sues des mains
Tu pues des mains
Tu sues du cul
Tu pues du cul
Le dégoût de soi, il n’a ni goût ni odeur. Il serre la gorge. Il dessèche les mains et la bouche.
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« Le dégoût de soi, il encercle en douce et en silence, à toute allure, comme la marée montante par gros coefficient. »
« Il n'y a pas de requins en Bretagne-pas des grands blancs en tout cas- mais j'imagine avec angoisse que je ne peux pas voir. J'ai horreur de nager dans une eau sombre et profonde, un tas de bestioles grouillant au-dessus de mon corps blanc chétif et presque nu de nageur médiocre. Des petites bestioles vénéneuses, molles, transparentes. Des grosse bestioles visqueuses et musclées ou dures et carapaceés, équipées de pinces ou de dents tranchantes. Elles sont dans leur élément, ces bestioles. Pas moi. »
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En Bretagne. J’avais six ou sept ans, j’étais allé pêcher la crevette avec mon grand-père. Il donnait des coups de filet énergiques, soulevant des gros paquets d’algues. De temps à autre, il poussait un cri de joie en chopant deux ou trois crevettes frétillantes dans son filet. Je m’étais éloigné de lui, et lui de moi. J’avais péché quelques grosses crevettes, je ne voyais pas le temps passer. Quand j’ai levé la tête, je me suis aperçu que j’étais cerné par la mer. Je me rappelle du ciel, très bleu. De la lumière. Très dure en ce milieu d’après-midi. Le vent s’était levé et la mer, plus agitée, avait changé de couleur.
Un bleu presque noir. Je cherchais des yeux la casquette blanche de mon grand-père. Personne à l’horizon, à part les mouettes qui gueulaient plus fort que moi – ma petite voix ne portait pas bien loin, quand j’appelais mon grand-père en chialant à moitié. Dingue comment elle monte vite, la mer,
par gros coefficient. 104, ce jour-là. Mon grand-père avait paniqué. Il était venu me chercher en trébuchant sur ses vieilles guiboles dans les rochers et il s’était vautré en glissant sur les algues brunes, plates, larges et luisantes. Il m’avait pris sur ses épaules. Je m’agrippais à son cou en l’étranglant presque. Au retour il avait de l’eau jusqu’à la taille et on sentait la force du courant. Je me rappelle ce qui m’avait le plus terrifié : ne plus reconnaître ce paysage familier.
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