Habiter en oiseau

Vivre notre époque en la nommant "Phonocène", c'est apprendre à prêter attention au silence qu'un chant de merle peut faire exister, c'est vivre dans des territoires chantés, mais c'est également ne pas oublier que le silence pourrait s'imposer. Et que ce que nous risquons bien de perdre également, faute d'attention, ce sera le courage chanté des oiseaux.

Je choisirais donc une histoire en "plis" en suivant, à partir du moment où elle émerge, une idée que des oiseaux ont insufflée à un chercheur pour la retrouver dans ses différentes réapparitions prises dans d'autres plis, quand un auteur, confronté à d'autres oiseaux, lui donne une suite, ou la retrouve, prise dans un autre problème, bien plus tard, et parfois même sans savoir qu'elle avait déjà trouvé, longtemps auparavant, quelqu'un pour la penser.

Au vu de ce qui précède, cela fait sens pour les oiseaux. En tant que dispositif conventionnel, le territoire fait l'objet d'expérimentations par et sur les conventions: tâtonnements sur le tracé des frontières, négociations, provocations, défis, apprentissages, trajets d'expériences, choses "qui se font" et choses "qui ne se font pas". On respecte les formes. Autant de mises à l'épreuve dans la création des formes par lesquelles les oiseaux définissent ce que sera dorénavant leur société territorialisée: les conventions se négocient, puis se stabilisent. Vient soutenir la possibilité de cette hypothèse le fait que très souvent, on l'a vu, après quelque temps, les choses s'installent et les conflits deviennent plus rares. Les oiseaux peuvent passer à autre chose. D'autres choses vont importer.

Ce n'est sans doute pas un hasard que, lorsque s'opère un passage trop rapide, en matière de territoires, des animaux aux humains, on se retrouve à attribuer aux premiers notre conception du territoire comme propriété. Il s'agit de multiplier les mondes, pas de les réduire aux nôtres. Et de ne pas insulter les pratiques qui participent de cette multiplication. Parce que justement elles comptent dans cette multiplication, ne fût-ce que parce qu'elles obligent à ralentir ces passages et à les compliquer.