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Citations sur Habiter en oiseau (14)

S’il y a des territoires qui tiennent à être chantés ou, plus précisément, qui ne tiennent qu’à être chantés, s’il y a des territoires qui tiennent à être marqués de la puissance des simulacres de présence, des territoires qui deviennent corps et des corps qui s’étendent en lieux de vie, s’il y a des lieux de vie qui deviennent chants ou des chants qui créent une place, s’il y a des puissances du son et des puissances d’odeurs, il y a sans nul doute quantité d’autres modes d’être de l’habiter qui multiplient les mondes. Quels verbes pourrions-nous découvrir qui évoquent ces puissances ? Y aurait-il des territoires dansés (puissance de la danse à accorder) ? Des territoires aimés (qui ne tiennent qu’à être aimés ? Puissance de l’amour), des territoires disputés (qui ne tiennent qu’à être disputés ?), partagés, conquis, marqués, connus, reconnus, appropriés, familiers ? Combien de verbes et quels verbes peuvent faire territoire ? Et quelles sont les pratiques qui vont permettre à ces verbes de proliférer ? Je suis convaincue, avec Haraway et bien d’autres, que multiplier les mondes peut rendre le nôtre plus habitable. […]

Je dis habiter, je devrais dire cohabiter, car il n’y a aucune manière d’habiter qui ne soit d’abord et avant tout “cohabiter”.
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Il s’est d’abord agi d’un merle. La fenêtre de ma chambre était restée ouverte pour la première fois depuis des mois, comme un signe de victoire sur l’hiver. Son chant m’a réveillée à l’aube. Il chantait de tout son cœur, de toutes ses forces, de tout son talent de merle. Un autre lui a répondu un peu plus loin, sans doute d’une cheminée des environs. Je n’ai pu me rendormir. Ce merle chantait, dirait le philosophe Étienne Souriau, avec l’enthousiasme de son corps, comme peuvent le faire les animaux totalement pris par le jeu et par les simulations du faire semblant2. Mais ce n’est pas cet enthousiasme qui m’a tenue éveillée, ni ce qu’un biologiste grognon aurait pu appeler une bruyante réussite de l’évolution. C’est l’attention soutenue de ce merle à faire varier chaque série de notes. J’ai été capturée, dès le second ou le troisième appel, par ce qui devint un roman audiophonique dont j’appelais chaque épisode mélodique avec un “et encore ?” muet. Chaque séquence différait de la précédente, chacune s’inventait sous la forme d’un contrepoint inédit.
Ma fenêtre est restée, à partir de ce jour, chaque nuit ouverte. À chacune des insomnies qui ont suivi ce premier matin, j’ai renoué avec la même joie, la même surprise, la même attente qui m’empêchait de retrouver (ou même de souhaiter retrouver) le sommeil. L’oiseau chantait. Mais jamais chant, en même temps, ne m’a semblé si proche de la parole.
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... ne pas oublier que ces chants sont en train de disparaître, mais qu’ils disparaîtront d’autant plus si on n’y prête pas attention. Et que disparaîtront avec eux de multiples manières d’habiter la terre, des inventions de vie, des compositions, des partitions mélodiques, des appropriations délicates, des manières d’être et des importances. Tout ce qui fait des territoires et tout ce que font des territoires animés, rythmés, vécus, aimés. Habités. Vivre notre époque en la nommant « Phonocène », c’est apprendre à prêter attention au silence qu’un chant de merle peut faire exister, c’est vivre dans des territoires chantés, mais c’est également ne pas oublier que le silence pourrait s’imposer. Et que ce que nous risquons bien de perdre également, faute d’attention, ce sera le courage chanté des oiseaux.
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La formidable exubérance des oiseaux, leur inventivité, leur remarquable capacité à faire sentir l’importance du territoire et la beauté mise au service de cette importance.
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Les amateurs, ceux qui cherchent des infimes différences qui comptent, sont touchés par ces différences et cultivent l’art de les faire compter.
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La biologie et l’éthologie du XXIe siècle atteignent désormais un degré de précision suffisant pour distinguer les individus et les envisager avec leurs personnalités et leurs histoires de vie singulières. C’est une approche biographique du vivant. En allant à la rencontre des animaux sur leurs territoires, ces auteurs partent en “mission diplomatique” au cœur du monde sauvage.
Ils deviennent, au fil de leurs expériences et de leurs aventures, les meilleurs interprètes de tous ces peuples qui n’ont pas la parole mais avec lesquels nous faisons monde commun. Parce que nous partageons avec eux les mêmes territoires et la même histoire, parce que notre survie en tant qu’espèce dépend de la leur, la question de la cohabitation et du vivre-ensemble devient centrale.
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Vivre notre époque en la nommant « Phonocene », c’est apprendre à prêter attention au silence qu’un chant de merle peut faire exister, c’est vivre dans des territoires chantés, mais c’esi également ne pas oublier que le silence pourrait s’imposer.
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Le territoire est matière à expression. Ou, dans les termes d'Etienne Souriau, le territoire, chez les oiseaux, avec ces couleurs, ces chants, ces postures, ces danses ritualisées, est traversé d'intentions spectaculaires.
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Les oiseaux choisissent donc un lieu, certes, mais ce qu'ils choisissent également, et peut-être dans certains cas surtout, ce sont des voisins. Le territoire, comme Fraser Darling le pensait, ce serait, dès lors, la création d'un voisinage.
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La thèse selon laquelle le territoire est lié à un problème de compétition autour des femelles a, quant à elle, longtemps dominé la scène préterritoriale (elle a notamment été favorisée par Darwin). Si controversée soit-elle, elle ne sera pas abandonnée et reviendra souvent, sous une forme ou sous une autre, dans les écrits des scientifiques - sans doute favorisée par l'attirance de certains pour les beaux drames qu'offre la compétition, et par d'autres (parfois les mêmes) qui n'arrivent pas à se défaire de l'idée que les femelles sont des ressources pour les mâles. Howard aura pourtant vivement contesté cette hypothèse de la compétition autour des femelles parce qu'elle ne pouvait pas s'accorder à certaines de ses observations.
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