A l'aube, tu descendras pieds nus
Boire à la rivière
Comme ces chats muets
Aux pattes cramoisies
Tu glisseras sur les pentes
Endormies de plaisir
Suivre la piste argentée
Des limaces écrasées
Tu iras au midi chercher l'évidence
Qu'un jour ici tu as vécu
Qu'il y avait des enfants, des amis,
Un amour, une constance
De tout cela demeurent
Que le ciel bas, les herbes grassent
L'eau violente,
Les ruches abandonnées
Tu tends l'oreille
Aux voix des absents
Jusqu'a ce que la nuit enfin
Consente à te parler.
Il dit
Je suis né sans savoir
Sans miroir pour me dire
Qui est cet autre qui me regarde
Comme si je n’existais pas
Celui qui a semé en moi
Tant de doutes tant de folie
Tant de combats tant de colère
Tant de murs tant d’innocence
C’est moi, dit-il.
Ce n’est rien que moi.
Que mon demain soit un hier
Puisque rien n'est plus à faire
A construire ni à détruire
Rien est déjà là : jamais.
Je ne vous connais pas…
Je ne vous connais pas
J'ignore jusqu'à votre nom
Votre visage m'est étrange
Balafré de sa rage
Quand vous déchirerez ma page
Vous saurez qui j'étais
Un trou, un remous
Un déchet sur un rêve
Vous le maître de nos destins
Dont je ne connais pas le nom
D'où vous vient cette colère
Cette fureur sans pardon ?
J'ai eu beau fuir
Vous me ramenez
Me tirant par mes cheveux
Comme la dernière des damnées.
Ce que j’ai oublié :
le goût du vent et la mollesse
d’autres lèvres. J’essaie de m’en souvenir,
l’odeur de la terre
par temps d’après la pluie,
le toucher d’un autre corps
par temps d’après l’amour
La somme des instants n’aboutit à rien
Inutile survie – la mort est très surfaite
Il n’y avait rien avant et rien non plus après
La nuit ne t’en veut pas d’être :
C’est le jour qui se venge de toi.
Ainsi liées nous voyageons
Sur nos orteils brisés
Femmes de sable le vent nous efface
Nous ne danserons plus sur les ronces.
Ce que j'ai oublié:
Le goût du vent et la mollesse
d'autres lèvres. J'essaie de m'en souvenir,
l'odeur de la terre
par temps d'après la pluie,
le toucher d'un autre corps
par temps d'après l'amour.
Dehors les ronces attendent
la nourriture de leurs plaies
Nos yeux errent sanglants
dans leurs noires harmonies
L'eau sur ma peau
est une robe d'acide
L’œil se grée de rire pour mieux taire
Les larmes des enfants solitaires
Qui laissent sur leur cœur de verre
Des striures pastel.
Tu tends l'oreille
Aux voix des absents
Jusqu'à ce que la nuit enfin
Consente à te parler.