Citations sur L'étrange fraternité des lecteurs solitaires (13)
J'imaginais rassembler dans un recueil les textes d'amis autour du Lecteur idéal, ce lecteur qui est le premier personnage que nous inventons, ce lecteur dans lequel nous tentons de nous glisser lorsque nous relisons, ce lecteur attentif et intransigeant. (p. 12)
Elle remettait les choses en place. On a bien assez d'un seul lecteur, certes, s'il a besoin de votre livre pour s'aider à mourir. Mais elle me disait bien davantage : elle levait le sortilège des Circes universelles. C'était elle le père maternel, le grand lecteur.
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Devenir lecteur est l'oeuvre d'une vie. Non pas seulement lire des livres mais lire la bibliothèque, les grands morts et les contemporains, emprunter les chemins de traverse, découvrir les connexions secrètes, les souterrains cachés qui relient les textes. Ecrire ne suffit pas. (p. 40)
Bonheur de Babel --- Pour Rainer Michael Mason
(...)Ainsi , Babel n'est pas une calamité mais un bonheur à la condition de ne jamais oublier que nous ne lisons pas l'oeuvre quand nous lisons une traduction, que celle-ci est une lecture possible parmi d'autres (...) Et c'est un bonheur d'ouvrir les nouvelles versions vers le français de Lowry ou d'Ovide , et de constater que le texte résiste lorsqu'il vaut. (p. 37)
Cheval & Perroquet ---- Pour Véronique Yersin
(...) Comme dans le poème de Zalamea, l'enlaidissement, la destruction du paysage et des animaux par tous les Burundun ne sont pas des effets secondaires de leur despotisme. Ce sont des armes d'asservissement. La laideur induit la veulerie et détériore la pensée quand la beauté est libératrice. (p. 45)
Aux Amis - --Pour Philippe Ollé-Laprune
(...)
Lisant toutes ces oeuvres, on songe à la phrase de Walter Benjamin selon laquelle "il existe un rendez-vous tacite entre les générations passées et la nôtre; nous avons été attendus sur la terre", parce qu'on n'écrit jamais seulement pour les contemporains, mais aussi toujours plus tard, pour des lecteurs qui ne sont pas nés encore. Les livres attendent dans nos bibliothèques d'être lus et relus et commentés après la mort de leur auteur : cette étrange fraternité des grands solitaires se joue des siècles et de la géographie, de l'espace et du temps. (p. 54)
Devenir lecteur est l'oeuvre d'une vie. non pas seulement lire des livres mais lire la bibliothèque, les grands morts et les contemporains, emprunter les chemins de traverse, découvrir les connexions secrètes, les souterrains cachés qui relient les textes.
Cet homme est une partie de mon Lecteur idéal : ces cinq ou six personnes dont j'imagine la lecture lorsque je me relis.
Aux Amis - --Pour Philippe Ollé-Laprune
(...) Dans ce tourbillon vertigineux de l'Amérique latine, certains comme Ollé-Laprune se font lecteurs et critiques, passeurs, traducteurs par amitié. Ils placent au-dessus de tout les deux plus belles et terribles jubilations de l'existence humaine que sont la littérature et l'amour. (...)
Et puis il y a les dictatures. Et celles-ci à leur corps défendant, par les fuites et les rencontres qu'elles provoquent, créent un sentiment littéraire latino-américain par-delà les nationalismes. (p. 53)
["Lecteurs" -- Pour Pierre Michon, ]
Sans doute cet après-midi là, les deux vieux enfants assis devant l'âtre noir " médirent de la littérature, la foulèrent aux pieds, la jetèrent dans le feu", cette traîtresse à qui nous devons la survie et qui nous gâche la vie, qui décide, seule, des temps d'invention folle dans la solitude puis d'abstinence, lorsqu'elle s'en va voir ailleurs, s'assoit au chevet d'un autre. [,p.11 ]