L'épaisseur du pavé peut effrayer, l'inquiétude me prend ferme face au livre. Mais soyons zen. La vérité sur l'affaire d'Harry Quebert m'avait laissé un souvenir singulièrement réconfortant, comme une lame de lumière sur mon visage en plein blue monday.
Le livre dépeint une Suisse aux courbes cajoleuses. Au départ, on dodeline de la tête, l'air un peu paumé au milieu de ces montagnes enneigées et riantes, on ne sait pas trop comment se situer dans cette narration qui s'accointe dangereusement avec le vaudeville.
Puis ça embraye dur, on est sur un livre pas trainard. On parvient presque à palpoter le climat de fébrilité dans lequel l'auteur a dû s'autoplonger pour nous épargner l'ennui. Ça brasse à plein tube, les flashbacks se multiplient, les rebondissements incalculables, passé, présent, futur, tout se conjugue, s'enchaîne dans un univers constellé de personnages à la truculence ambitieuse.
Toute cette bande nous aguiche dans un climat mondain, sophistication genevoise oblige, qui s'esquisse à coup de ronds de jambe flegmatiques, de caviar et de vodka Beluga. Les portraits fleurent le sirop acidulé, suffisamment épais pour nous engager à tourner les pages. Et je n'y peux rien mais certains personnages aux couleurs bien extravagantes m'ont plu. J'achète. Je retiendrai ce Macaire Ebezner, fameux dans le genre picaresque, qui balaie les chapitres armé de sa gaucherie de richard qui m'a fait sourire plus d'une fois.
Si le comique de situation et l'esprit potache s'ancrent dès les premières pages, je pense notamment à la relation naïve et amusante entre Joël et
Bernard de Fallois, l'effet euphorisant du départ tend à s'estomper au fil d'une intrigue obèse. le régime est trop riche, on rôte gras sous l'effet des explications à peine croyables, de personnages peu crédibles tel Lev Levovitch dont l'audace et la richesse du gars semblent hors de mesure. On se lasse de cette surabondance de bouleversements, de retournements de situation dans une vulgarisation pleine de paillettes du monde financier. Ce paquet raidement ficelé tient difficilement sur les rails.
Dommage car la plume de l'écrivain n'est pas désagréable. Pas d'effet de style grandiloquent ou prétentiard, c'est sobre, drôle et efficace, le genre de lecture que j'apprécie de temps en temps.