Citations sur Ne dis rien à papa (32)
En passant dans le salon, elle attrape un livre dans la bibliothèque. Parfois, la lecture l'aide à s'échapper, elle la transporte dans des ailleurs où le passé ne l'atteint plus.
Le coup de fil de Michaud avait éveillé en lui, en un éclair, son instinct de limier. Non pas parce que l’homicide avait quelque chose d’étrange, une mise en scène un peu particulière. Il en avait vu d’autres. Mais surtout parce que la personnalité de la victime était tout à fait intéressante.
Cette montée brutale de colère en rappelle alors d’autres à Fanny. Elle est totalement crispée et se dit, dans un brusque accès de peur, qu’elle ne peut plus supporter la moindre violence, qu’elle a de plus en plus de mal à entendre ces cris, les cris de son propre enfant. Ces manifestations de colère et de peur, elle ne les supporte plus, depuis bien longtemps.
Elle a vu le frémissement qui a parcouru tout le corps d’Arno quand il a entendu la voix de son frère, un frémissement qui s’arrête soudain. Puis, poussant un cri de fureur, le jeune garçon se redresse et se précipite vers son frère. C’est Mickael qui est le plus rapide, il s’empare de son fils et tente de le calmer, mais l’enfant se met à hurler :
– C’est toi qui devrais mourir, Victor, toi !
Je n’ai plus la moindre notion du temps, ni celle de la faim ou de la douleur, j’ai juste cette force vitale qui m’anime encore, anime mes bras, mes mains. Je n’en peux plus. J’écarte la terre, la repousse derrière moi, cherche mon oxygène. Chaque respiration est un cauchemar, chaque infime mouvement une torture. Ma tête va exploser, une brûlure intense me cisaille le crâne, mais je continue, comme une bête, un animal. Et alors que plus rien d’autre ne me stimule qu’une sorte de mécanique étrange et animale, je ne sens soudain plus de terre au bout de mes doigts.
Je suis en train d’étouffer, il n’y a plus de bruit, sauf celui de mon souffle rauque, intermittent… Et ce poids immense sur mes poumons, cette masse qui m’empêche de respirer. Je remonte mes bras vers ma tête. Cela me demande un effort surhumain, chaque centimètre gagné contre la terre est un combat. Je meurs de soif, de faim. Depuis combien de temps je suis là ? Une heure, un jour, un siècle…
J’ai repris connaissance une première fois, je crois. Dans l’obscurité totale, avec un mal de tête horrible, innommable, comme si un fou sadique m’enfonçait un pieu incandescent dans le crâne… J’ai dû retomber dans les pommes. Puis une seconde fois, ce coup-là, j’ai pu bouger un peu les bras. J’ai beaucoup de mal à respirer. Je crois que quelque chose recouvre ma bouche, ou mon corps tout entier, comme du plastique. Je ne me souviens de rien, je ne sais même plus comment je m’appelle. J’ai des flashs, comme des photos qui passeraient à toute vitesse devant mes yeux, comme un film en accéléré avec, parfois, des arrêts sur image. Une image surtout, ce visage à peine adolescent, ces yeux qui me scrutent avec attention, ce sourire.
Avant de rejoindre sa voiture, Rémi Dubois relit une dernière fois le SMS que lui a envoyé son collaborateur. Le cliché est net, chirurgical, et cette netteté ne fait que renforcer l’étrangeté et la violence de la scène de crime. C’est vrai, songe-t-il en examinant à nouveau l’écran de son portable. Il a pu constater au cours de sa déjà longue carrière l’indéniable imagination et la saisissante cruauté de certains criminels. Mais là, le type ou la nana qui a fait ça s’est surpassé.
Le coup de fil de Michaud avait éveillé en lui, en un éclair, son instinct de limier. Non pas parce que l’homicide avait quelque chose d’étrange, une mise en scène un peu particulière. Il en avait vu d’autres. Mais surtout parce que la personnalité de la victime était tout à fait intéressante. Il avait lu son nom dans des journaux people à plusieurs reprises.
Le commissaire divisionnaire Dubois n’aime pas les cimetières. Il les déteste même. Et s’il se tient devant cette tombe, creusée de la veille, devant ce cercueil d’acajou qui descend lentement en terre au fur et à mesure que ces types en noir aux costumes bon marché relâchent la corde qu’ils assurent avec précaution, s’il est là, c’est uniquement parce que c’est sa mère que l’on enterre.