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Citations sur Anthologie de la poésie yiddish : Le miroir d'un peuple (152)

Viens ici (H. Leivick)

Viens ici, penche-toi,
Du bras touche ma chair.
Ô toi — je te tutoie
Toi, le Dieu. Moi, le ver.

Ô toi, genoux à terre
Docilement avant
Que sur ma peau je serre
Mon sacré vêtement.

Fais vite. Aux vitres claires
Je vois en feu voler,
Radieuse poussière
Ma carriole ailée.

Vite, dis la parole
Que tu viens m’apporter
Car sur ma carriole
Déjà je suis monté.

Viens ici, penche-toi,
Du bras touche ma chair
Tant que tu es encore
Un Dieu, et moi un ver.

(p. 158-159)
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Une prière



Je me réveille à l’aube et ma prière
Est un poison amer.
J’appelle le déluge une nouvelle fois
À projeter plus haut que les tours et les toits
Tous les flots de la mer,
Que ne puise voguer nulle arche secourable.

O ! comme il sera bon le frôlement glacé
De la mort.
Peut-être éteindra -t-il la souffrance amassée
Dans nos corps,
Les décombres du cœur, la honte de mâcher
Le pain, au bord
Des cendres par monceaux de nos frères et sœurs.

O ! comme il sera bon de toucher les nuages
Dans cette nage d’agonie,
Sentir peut-être en moi cette douceur descendre :
Entendre de ces corps dont volèrent les cendres
Une voix pure.
J’apaiserai – fermant le cercle de la vie –
Le cri de leur blessure.


// Kadia Molodowski (1894 – 1975)
/Traduit du yiddish par Charles Dobzynski
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MYSTÈRE DU MONDE


Découvert – c’est couvert au-delà de soi,
Il n’est point de nudité,
La nudité est masquée,
Chaque nudité sous une peau se dissimule,
Sur chaque peau, la protégeant, naît une pellicule
Pour interdire au sauvage dehors
D’assaillir l’intérieur.
Pas un frôlement
Pas même un léger souffle,
Rien
Le rien lui-même est un danger.


//Aron Lutski
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J’IGNORE


Des langues j’ai horreur, j’ignore l’anglais, le français,
Mais Dieu que je voudrais comprendre le langage des objets.

Je supplie un mot d’exprimer la souffrance d’autrui
Des filles et des garçons à l’âge où mûrissent les fruits.

Et d’un moribond quand ses joues prennent des briques la couleur,
Laisse-moi, d’un humilié, comprendre ne serait-ce qu’un demi-pleur.


//Aba Stoltzenberg (1/10/1905-1941)
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AVRIL


Avril
La jeune verdure
Ne sait pas encore
Ce qu’elle désire
Comment fleurir
Rouge
Blanche
S’envoler peut-être ?
Elle s’éprend, la nuit,
De chaque étoile
Et le matin
La trouve roide,
Gelée.
Avril.


//Reid Zychlinski
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MA MÈRE CUIT DU PAIN…


Ma mère cuit du pain aujourd’hui – la maison est en joie,
Quel feu d’enfer dans le fourneau – rouge de joie,
Qui s’ouvre comme bouche et rit – et rit de joie,
flamme danse avec ardeur – comble de joie,
Le four s’embrase et le bois craque – éclats de joie,
Les copeaux tels des apprentis – l’aident avec joie,
La mère cajole les pains – les caresse de joie,
Les fait basculer dans ses mains – balancement de joie,
On dirait qu’elle joue au ballon – tout en joie,
Ou les berce tels des enfants – assoupis dans la joie,
Que son visage est lumineux – il rayonne de joie,
Sur le mur son ombre s’étend, de plus en plus vaste – de joie,
L’ombre elle-même est en liesse et danse aussi – de joie,
Lorsque ma mère cuit du pain – la maison est en joie.


//Moshe Szulstein
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LE TABLEAU


Si mon soleil rayonnait dans la nuit,
Je dors – baigné dans des couleurs,
Dans un lit d’images,
Et ton pied sur ma bouche
M’étouffe et me torture.

Je m’éveille dans la douleur
D’un nouveau jour, avec des espérances
Qui ne sont pas encore peintes,
Qui ne sont pas empreintes de couleurs.

Je cours là-haut
Vers les pinceaux desséchés.
Comme le Christ je suis cloué,
Crucifié sur ma palette.

Suis-je fini,
Achevé dans ma toile ?
Tout rayonne, ruisselle, court.

Lève-toi, encore une touche
Là-bas, du noir,
Ici, le bleu le rouge se sont étendus
Et m’ont apaisé…

Écoute-moi – mon lit de mort
Mon herbe desséchée,
Les amours disparues,
Revenues de nouveau,
Écoute-moi.

Je passe par-dessus ton âme,
Je franchis ton ventre,
Je bois le reste de tes jours.

J’ai englouti ton clair de lune,
Le songe de ton innocence
Afin de devenir ton ange
Et te veiller comme autrefois.


//Marc Chagall (1887-1985)
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NOTRE VILLE FLAMBE


Ça flambe, mes frères, ça flambe,
C’est notre ville, hélas, qui flambe,
Des vents cruels, des vents de haine
Soufflent, déchirent, se déchaînent
Les flammes sauvages s’étendent
Aux environs déjà tout flambe.

Et vous, vous êtes là, vous regardez
Les mains immobiles,
Et vous, vous êtes là, vous regardez
Brûler notre ville…

Ça flambe, mes frères, ça flambe
C’est notre ville, hélas, qui flambe
Et les flammes carnassières
Dévorent notre ville entière
Et les vents de colère hurlent
Notre ville brûle.

Et vous, vous êtes là, vous regardez,
Les mains immobiles,
Et vous, vous êtes là, vous regardez,
Brûler notre ville…

Ça flambe, mes frères, ça flambe,
Oh l’heure peut venir, hélas
Où notre ville et nous ensemble
Ne serons plus rien que des cendres,
Seuls resteront, comme après une guerre,
Des murs noircis, des murs déserts.

Et vous, vous êtes là, vous regardez,
Les mains immobiles,
Et vous, vous êtes là, vous regardez
Brûler notre ville…

Ça flambe, mes frères, ça flambe,
Il n’est de salut qu’en vous-mêmes,
Prenez les outils, éteignez le feu,
Éteignez-le de votre propre sang.
Vous le pouvez, alors prouvez-le !

Ne restez pas ainsi, frères, à regarder,
Les mains immobiles,
Frères, n’attendez pas, éteignez l’incendie
Qui brûle notre ville.


//Mordehaï Gebirtig (4 mai 1877 – 4 juin 1942)
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J'ai l'inquiétude des loups, la quiétude des ours sages,
L'ennui écoute retentir en moi les cris d'un cœur sauvage,
Je ne suis point ce que je pense et ne suis pas tel que je veux,
Je suis l'enchanteur et je suis le sortilège de son jeu
Je suis l'énigme qui se tue à résoudre enfin son mystère
Moi, plus agile que le vent qui se noue autour d'une pierre,
Je suis le soleil de l'été, l'hiver, le vent glacé du Nord
Et je suis le riche dandy que l'on voit gaspiller sas
Hardi je suis le gars qui porte un peu de biais s casquette
Et qui dévalise son temps en sifflotant un air de fil
Je suis le violon mais aussi le tambourin, la contre basse,
De ces trois vieux musiciens, orchestre vagabond qui passe,
Je suis la danse de l'enfant et sous la clarté de la lune
Je suis cet innocent qui rêve au pays bleu de la fortune.
Lorsqu'en passant je vois d'une maison détruite les décombres
Je suis le vide qui m'observe avec ses regards troués d'ombre.
Je suis la peur en ce moment qui m'épie peut-être au-dehors,
La fosse ouverte dans un champ à la mesure de mon corps,
Maintenant je suis la lueur qui brûle pour le souvenir
Et l'inutile image au mur suintant qui reste à jaunir, Maintenant, le temps d'un éclair, je suis cette immense tristesse
Qui depuis un siècle me guette et qui me débusque sans cesse,
Et maintenant je suis la nuit, la lassitude est sa rançon,
Le pesant brouillard de la nuit, le soir et sa calme chanson,
L'étoile blanche que l'on voit très haut dans le ciel allumée
Et la rumeur sourde d'un arbre, un son de cloche, une fumée..

Mon inquiétude, Moshe-Leib Halpern
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Où es-tu ? (H. Leivick)

Ô visages lunaires
Maisons d’enchantement
Balcons et luminaires
Aiguilles à pas lents.

Des lits, sur des tribunes
Tels des trônes dressés,
Et le lait de la lune
Par les vitres versé.

S’étend l’épais domaine
Aux portes du seigneur,
Et des sentiers qui mènent
Au couteau du faucheur

Poires et pommes vertes,
Grillons, meules dehors
Et — signal de l’alerte
Et — sourire de mort

Sur les sourcils, des doigts,
Aux lèvres, bruit perdu :
— Je suis prêt, viens, prends-moi
— Où es-tu, où es-tu ?

(p. 168-169)
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