Elle est où la vraie vie, dites, elle est où ?
«Je suis Homer, le frère aveugle.»
Homer vit avec son frère Langley dans une immense maison de la Cinquième Avenue à New York, près de Central Park.
Langley est le frère aîné. «C'est un ancien combattant qui a participé,avec bravoure à la Grande Guerre et dont les efforts lui ont coûté la santé. Quand nous étions jeunes, ce qu'il collectionnait, ce qu'il ramenait à la maison, c'étaient ces minces volumes de poésie qu'il lisait à son frère aveugle.»
Langley est le philosophe. Il théorise même une théorie du Remplacement. A vous de voir…
Langley est le collectionneur. Il collectionne la presse quotidienne dans le but (ultime ?) de créer LE numéro universel et intemporel, un numéro unique pouvant être lu et relu à pérpétuité.
Chaque information est triée par catégories : invasions, guerres, massacres, accidents de la route, de chemin de fer et d'avion, scandales amoureux, scandales écclésiastiques, etc, etc.
Le «Collyer's Journal».
Pas étonnant alors que la maison des frères Collyer soit envahie de ballots de journaux du sol au plafond.
«A cette époque de nos vies, la maison était un labyrinthe de sentiers hasardeux, plein d'obstructions et de nombreux culs-de-sac. Avec assez de lumière, on pouvait s'y retrouver dans les corridors qui zigzaguaient entre les ballots de journaux…”
Langley collectionne tout. Les parapluies, les machines à écrire (un inventaire à la
Prévert : la Royal, la Remington, la Hermès, la Underwwod, la Smith-Corona, la Blickensderfer n°5), les moteurs, les télévisions, tout, tout, tout et n'importe quoi.
Il installe même une automobile modèle Ford T. dans le salon.
Homer est le musicien. Il joue du piano.
Il est celui qui raconte. Celui qui écrit.
«Il se trouve qu'écrire correspond à mon désir compensatoire de rester en vie.»
Les frères Collyer vivent reclus dans leur maison.
Où est l'intérieur ? Où est l'extérieur ?
C'est la vie qui vient chez eux. le monde. L'Histoire.
Suffit juste d'être accueillant et curieux.
L'Histoire passe chez eux, se passe chez eux.
La Grande Guerre, la prohibition, la deuxième guerre mondiale, la guerre du Vietnam, les hippies, le progrès technologique, etc, etc.
«Ne vois-tu pas ? l'ultime performance technologique consistera à échapper au désordre que nous avons créé.»
Les femmes passent aussi. L'amour. Mais les frères Collyer ne sont pas très habiles en amour.
Ce livre de Doctorow est une sorte, un genre, un drôle de conte philosophique. A la «
Candide» de
Voltaire.
Homer serait le
Candide et Langley le Diogène.
Ou bien une sorte, un genre, une drôle d'allégorie de la caverne…mais à l'envers !
Les deux frères cultivent leur jardin…à la maison !
Tout y passe. Accumulation absurde d'événements édifiants, scepticisme envers la Providence, prépondérance du hasard, médiocrité de l'homme montrée du doigt (démontrée par le regard aveugle d'Homer et le cynisme de Langley), ineptie des dogmes religieux, dégâts (collatéraux ?) du fanatisme…les fameux moutons de Panurge chers à
Voltaire.
Doctorow sait jouer de l'ironie. Un virtuose.
Une sorte, un genre, une drôle de parodie d'épopée !
Difficile de raconter ce livre tellement il est, hum, comment dire, fou, fou, fou !
Certains passages sont à se tordre de rire.
Si le conte philosophique a pour but de distraire tout en nous interrogeant, celui-là a tout juste !
Hilarant et tendre ! Hypersensible et terriblement cruel.
Bon sang, ça faisait longtemps que je n'avais pas lu un si bon livre.
Ce livre-là je vais l'offrir à pas mal de monde autour de moi. Sûr.
Il faut rester raisonnable toutefois et savoir faire court, mais ce que j'ai dit en dit assez long sur mon sentiment sur ce livre, alors je conclue, cher lecteur, lisez ce livre…GENIAL !
«Nous avions une blague, Landley et moi : un mourant demande s'il y a une vie après la mort. La réponse est : Oui, mais pas la tienne.»
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