L'instant de la fracture

J'aime bien les éditions Talents Hauts car elles traitent de sujets engagés. Je trouve cela important pour les ados qui souhaitent affûter leur esprit critique.

Un repas de Noël en famille. le fils qui rumine ses pensées, horrifié à l'idée d'être en face de son père alors que ce dernier a abusé de lui quand il avait une dizaine d'années. Une partie de lui est morte, sa peau est sale en permanence, la vie a un goût fade ; c'est ce qu'explique Antoine Dole à propos de ce garçon devenu adulte mais qu'on n'a pas le temps de connaître dans l'instant de la fracture. J'aurais bien aimé que le livre fasse un peu plus de 45 pages mais qui sait si nous ne sommes pas là aussi en présence d'une métaphore ? Après tout, l'inceste dégoûte, il faut vite s'en débarrasser. Je trouve que le sujet n'est pas assez traité et le côté monologue intérieur du personnage n'est pas un style auquel j'ai accroché. Je mets à ce roman 2,5/5.

L'instant de la fracture est un roman jeunesse vraiment très court, je dirais même qu'il s'agit plutôt d'une nouvelle, un monologue aux allures de poème en vers libres sur un sujet particulièrement délicat : l'abus sexuel et le besoin d'en parler.

Le narrateur n'a pas de nom, c'est un adolescent comme un autre. Il est là, à table, entouré de sa famille réunie pour Noël. C'est la fête, tout le monde rit, tout le monde est heureux. Tous, sauf lui. Enfermé sur lui-même, incapable de sourire, de partager cette joie que tous autour de lui semblent ressentir.
Car au fond de lui il souffre. À cause de cette personne assise en face de lui, cet homme en qui il avait confiance et qui l'a détruit. Qui a abusé de lui il y a des années, ce dont il n'a jamais parlé. À personne.
Mais aujourd'hui c'est là, au bord des lèvres. Ce besoin de mettre cet acte horrible en mots, de les faire sortir, les expulser. Il sait ce que feront ces mots s'ils sortent : ils détruiront la joie, ils effaceront le sourire de tous ceux qui les entendront. Mais c'est nécessaire, sinon c'est lui qui sera brisé, plus qu'il ne l'est déjà, définitivement. Ainsi que tous ceux qui risquent de subir les actes ignobles de cet homme.
Ces mots, va-t-il réussir à les faire sortir ? Aura-t-il le courage d'aller jusqu'au bout ?

Un texte sur le pouvoir des mots et sur la capacité et le besoin de dire l'indicible. Ces mots qui peuvent révéler la vérité. Vérité qui, une fois dite, empêche ceux qui l'entendent de rester aveugle.
C'est incisif, percutant. On sent vraiment ce besoin de lâcher les mots qui changeront tout, on sent la difficulté et quelle dose de courage cela demande. On ressent le mal-être de ce garçon, autrefois si joyeux, à présent si sombre.
Malheureusement j'ai trouvé cela bien trop court et pas assez fluide. L'écriture en vers libres donne un rythme haché que l'on pourrait associé à l'état du personnage, mais qui m'a empêchée de me plonger à fond dans cette lecture. Ce qui est dommage vu l'importance du sujet abordé que j'ai trouvé au final assez vite expédié, par une fin particulièrement frustrante.

En bref...
Un monologue percutant par son sujet si délicat et son narrateur dont on ressent la détresse, mais écrit avec un style trop saccadé pour se l'approprier pleinement. J'ai connu des livres d'Antoine Dole bien plus efficaces que celui-ci, même si cela reste un bon texte.
Lien : https://escape-in-books.blog..

Un sujet vraiment très dur à traiter.

Mais je ne suis pas du tout convaincu par ce court roman.

Déjà la forme poésie ne m'a pas aidée à accrocher. On joue trop sur les vers, sur la forme, et pas assez sur le contenu. Avec un texte qui manque finalement de fluidité.

Contenu qui tient sur quelques dizaines de pages, c'est vraiment peu pour un sujet pareil. Donc on peut considérer ça comme concis, et allant droit vers l'essentiel, mais pour moi, justement il manquait l'essentiel.

C'est très intimiste et descriptif à la fois : on ressent une multitude d'émotions que nous transmet le narrateur : la souffrance, la colère, la rancune, l'envie de tout avouer. Un monologue intérieur, qui n'est pas le meilleur moyen pour capter mon attention.

Surtout qu'à côté de ça, il n'y a pas de narration, pas de contexte, et les personnages, au vu de la forme choisie, ne peuvent avoir aucune consistance, ou nuance. Vraiment rien à quoi se raccrocher, pour ma part..

Le narrateur raconte en vers libre un repas de Noël. Toute la famille, plusieurs générations, des petits-enfants qui jouent, une grand-mère qui prépare le repas de famille, les blagues des enfants, le patriarche, la décoration. le cadre idyllique. En apparence. Car à l'intérieur du narrateur, cela hurle. C'est la fracture. Il ne supporte plus cette façade. Il a des choses à dire, des révélations à faire. Sur son père. Sur ce qu'il a fait il y a quelques années. Sur ce mal qui a détruit, bouffé le narrateur jour après jour. Sa soeur annonce qu'elle attend un enfant. Lui prend la parole à son tour...

C'est un récit terrible, qui évoque plus qu'il ne dit ce qui met le lecteur mal à l'aise. La colère est très bien exprimée, la douleur des victimes aussi. La difficulté à se reconstruire lorsque les secrets restent cachés est évoquée. C'est un thème dont on entend beaucoup parler actuellement et cela est nécessaire, trop de victimes en souffrent. Néanmoins, je regrette d'une part que le récit soit si court (on explore assez peu les personnages) et d'autre part la fin. La parole n'est pas libérée et reste finalement enfermée : je trouve que c'est la double peine pour la victime.

Encore un texte choc, fort et émouvant, dans cette collection de textes courts sur des sujets poignants qui touchent à l'intime, à l'indicible. D'où la complexité de pouvoir traduire en mot les égarements de la pensée, la destruction des corps, l'impossible construction de soi et encore plus le geste, le moment, la faute…

Je le dirai tout de go : ce texte ci d'Antoine Dole est en deçà des autres textes de la collection et des autres collections d'une seule voix et autres… Abordé du point de vue de l'adulte, la situation de l'inceste est pourtant bien traduite, bien amenée, avec une montée en tension bien gérée par l'auteur. On comprend la cruauté de la situation dans laquelle se trouve plongée notre protagoniste obligé d'assister sans rien dire à des repas de famille dont il ne comprend pas le sens puisque cette notion de famille lui a été ôtée. On ressent ses émotions, on vit avec lui la dualité dans laquelle il se retrouve pris.

J'ai pourtant trouvé que l'écriture très (trop?) « poétique », scandée, hachée, ternissait la compréhension et la fluidité du propos. A ne pas vouloir faire de phrase construite, on se retrouve avec difficulté à suivre le parcours d'une âme brisée avec qui l'on aurait du entrer en phase mais que l'écriture nous maintient à distance. Aucune phrase ne tient dans la largeur du livre imprimé, cette écriture que j'ai décrite par « poétique » est en fait un enchaînement de pensées, réminiscence de souvenirs scandés et hachés en bribes.

Un livre très contemporain, sur le besoin de libérer la parole après un abus, mais un livre qui n'était pas nécessaire au vue de la production jeunesse sur ce sujet et de l'excellence des autres livres de cet auteur qui se « gâche » un peu dans ce titre.
Lien : https://lechampdesabeilles.w..

Tout le récit se déroule pendant le repas de famille à Noël... Nous sommes dans la tête du narrateur qui n'a pas l'état d'esprit à faire la fête. Toute l'agitation qui l'entoure, les joies et sourires lui paraissent faux. Il souhaite sortir son cri intérieur, dire ce qu'il a sur le coeur, briser cette ambiance festive... Il aimerait réussir à enfin dire les mots qui restent coincés dans sa gorge depuis l'âge de 10 ans : il a été violé... Son père l'a violé... Mais le repas se poursuit... le narrateur est tétanisé de voir comment son père se comporte avec ses neveux et nièces... Sa soeur fait taire l'assemblée pour faire une annonce : elle est enceinte... le narrateur profite également de ce temps pour faire lui aussi une annonce... sans y parvenir.
Ce récit très court d'une quarantaine de pages est raconté avec des phrases courtes, percutantes ; l'ambiance est lourde et le lecteur retient son souffle Récit poignant

Quand un repas de famille devient un véritable enfer car on ne veut pas dévoiler la vérité et risquer de fracturer cette soit disant famille.