Alexéi Fiodorovitch Karamazov était le troisième fils d’un propriétaire foncier de notre district, Fiodor Pavlovitch, dont la mort tragique, survenue il y a treize ans, fit beaucoup de bruit en son temps et n’est point encore oubliée.
C’est vous qui m’avez en effet appris et souvent expliqué cela : si Dieu n’existe pas, il n’y a pas de vertu et « tout est permis ».
Note ceci ; on dit : « Il n’est pire sot qu’un sot français », mais une physionomie russe se trahit également. Regarde-moi ce bonhomme-là : n’est-ce pas écrit sur son front qu’il est un imbécile ?
Partout, de nos jours, l’esprit humain commence ridiculement à perdre de vue que la véritable garantie de l’individu consiste, non dans son effort personnel isolé, mais dans la solidarité.
En 1812, la Russie a vu la grande invasion de l’empereur des Français, Napoléon Ier, le père de celui d’aujourd’hui, c’est grand dommage que ces Français ne nous aient pas conquis ; une nation intelligente eût subjugué un peuple stupide. Tout aurait marché autrement.
On ne meurt pas d’une crise de nerfs... D’ailleurs, c’est par bonté que Dieu en a gratifié les femmes.
Quant à moi, j’ai renoncé depuis longtemps à me demander si c’est Dieu qui a créé l’homme, ou l’homme qui a créé Dieu
L’homme ne peut pas commettre de péché capable d’épuiser l’amour infini de Dieu. Car peut-il y avoir un péché qui dépasse l’amour de Dieu ?
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Or, si tu aimes, tu es déjà à Dieu... L’amour rachète tout, sauve tout.
Il n’y a pas de souci plus constant et plus douloureux pour l’homme laissé libre, que de chercher au plus tôt un objet de vénération. Mais l’homme veut s’incliner devant ce qui est incontestable, devant ce qui réunit tous les humains dans un commun respect, car l’effort de ces lamentables créatures consiste à chercher non l’objet d’un culte particulier à moi ou à un autre, mais un être en qui tous croient, devant qui tous s’inclinent également. Ce besoin de l’universalité dans l’adoration est le principal tourment de l’homme individuel aussi bien que de l’humanité tout entière depuis le commencement des siècles. C’est pour réaliser cette adoration universelle qu’ils se sont exterminés par le glaive. Ils ont créé des dieux et ils se sont dit les uns aux autres : « Abandonnez vos dieux et venez adorer les nôtres, sinon mort à vous et à vos dieux ! » Et il en sera ainsi jusqu’à la fin du monde, et lorsque les dieux auront disparu de la terre, ce sera la même chose : l’humanité se prosternera devant des idoles.
Chacun est coupable devant tous pour tous et pour tout.