Le sang des Belasko est une excellente découverte due à
Chrystel Duchamp qui a le culot d'emprunter une pente glissante voire casse-gueule, particulièrement pour une jeune auteure ayant encore à faire ses preuves pour enraciner un début de carrière prometteur et fidéliser son lectorat. Chrystel ne s'endort pas sur ses lauriers, ne joue pas la sécurité dans ce roman ; elle a même pris de gros risques en s'appropriant une idée ayant fait le succès d'
Agatha Christie dans Les 10 petits nègres - copiée, plagiée, imitée et rarement égalée – et réussit haut la main son pari en faisant honneur à son illustre prédécesseure.
J'ai tout apprécié dans cette histoire, à commencer par sa trame, non pas ordinaire mais classique. L'auteure place 5 héritiers réunis par le décès de leur deuxième parent dans leur maison familiale qui en raison d'une domotique pour le moins désobéissante, la transforme en forteresse. Au milieu des vignes, les comptes, attisés par l'odeur de l'argent frais, se règlent et dévoilent pour chacun des protagonistes une zone cachée de sa personnalité : violence, cupidité, jalousie, luxure ou colère, gourmandise financière. Autant de péchés capitaux ou plus exactement péchés exacerbés par les capitaux ici accumulés par la riche famille. Qui n'a pas connu de frictions familiales, petites ou grandes, lors d'une succession ?
L'audace littéraire de l'auteure paye mais n'est pas suffisante pour expliquer cette réussite ; il faut y ajouter le talent et la méticulosité de son travail. le format choisi, autour de 200 pages, est idéal pour contenir le huis-clos et le rendre intense, sans temps mort, mais il n'y a bien que le temps qui ne soit pas mort. le style est très soigné, émaillé ici ou là de quelques citations ou anecdotes incrustées sans aucune pédanterie et à point nommé pour enrichir l'histoire. La partition de chaque personnage est jouée au cordeau et s'inscrit dans un plan rigoureux, en 5 actes - comme le nombre des enfants de la fratrie – illustrés par une courte réflexion du père. L'idée de personnifier la maison dans de brefs prologue et épilogue, est excellente pour mettre le lecteur sous pression dès les premières pages.
Bref, rien à jeter dans ce roman, ni le titre sobre et classique, ni la couverture explicite : une maison contemporaine perchée sur une petite colline, dont la courbe colorée en bordeaux du chemin d'accès symbolise à la fois [c'est mon avis] le vin fabriqué sur le domaine viticole, et la rivière pourpre du sang des Belasko, expression plusieurs fois utilisée par l'auteure. Faut-il y voir un hommage à
Jean-Christophe Grangé ? Quoi qu'il en soit, bravo ! Je vais de ce pas me procurer
L'art du meurtre.