La cause des pauvres
Je remercie vivement le site de Babelio ainsi que les éditions Quart Monde (et leur gentille dédicace) pour l'envoi de ce livre.
En tant que passionnée de la Révolution française j'avais connaissance de cet opuscule écrit par
Louis-Pierre Dufourny de Villiers, mais je ne l'avais jamais lu. Voilà un oubli réparé !
C'est un essai historique de 73 pages, retraçant le livret publié par Doufourny en avril 1789, annoté et expliqué par
Michèle Grenot.
Cette dernière est membre de la CNCDH, historienne, membre du mouvement
ATD Quart Monde et elle décrypter, expliquer et replacer dans le contexte l'écrit de Defourny, par des paragraphes encadrés à l'intérieur du texte original.
Dufourny est devenu ingénieur en chef de la ville de Paris, après une ascension sociale (il était marchand de tissus).
En parcourant les rues de Paris et en participant aux Assemblées de quartier, il s'indigne que les pauvres soient exclus du nécessaire vital et de tout représentation (pour participer à ces Assemblées, il est nécessaire de payer 6 livres d'impôt !).
Il assiste à la grande misère qui l'émeut et décide d'écrire "Les Cahiers du Quatrième ordre" : celui des plus pauvres, des délaissés, qui ne sont pas représentés aux Etats généraux de 1789.
Ce n'est pas à proprement parler d'un cahier de doléances rédigé par les démunis, mais un plaidoyer et un appel à contributions
Il dénonce dans son livret la pauvreté, la société divisée en ordres.
Il est baigné de la philosophie de Rousseau : avec les notions d'ordre moral, de bonheur, de représentation directe…
Avant de passer au contenu du livre, je me pose une question : comment un homme de 50 ans, bien installé (il vit à l'hôtel de Cluny) s'est soudain enthousiasmé pour cette cause envers les pauvres (allant jusqu'à la prison) ? Ce parcours réconcilie avec la nature humaine !
Il sera un des fondateurs du Club des Cordeliers, ouvert à tous et à toutes, gratuit ; "son zèle excessif lassait
Robespierre" selon Michelet ! II devait être convaincu et revenait à la charge constamment. Il est emprisonné avec les Dantonistes. Il meurt en 1796, après avoir été libéré.
Son texte de 30 pages (que je vous invite à lire gratuitement sur le site de la BNF) est d'une lecture très aisée, et surtout il est terriblement moderne, actuel !
Son livret est un plaidoyer contre l'exclusion des pauvres, mais surtout il donne à réfléchir sur les fondements de la Démocratie, les notions de Pacte social, citoyenneté, représentation et Droits de l'Homme.
Il souhaite que la société ne soit plus divisée par ordres ; l'exclusion des plus pauvres, est une cause de nullité des Assemblées.
Il faut que la société reparte sur de bonnes bases : il est donc indispensable que les démunis participent aux décisions, car ce sont eux qui ont le plus de doléances à envoyer.
Supprimer les maux, les souffrances est un objectif politique :
- les malheureux sont les puissances de la Terre-Saint
Just
- les pauvres sont l'image sacrée de l'humanité -
Bossuet.
Mais il faut connaître ces souffrances pour les éradiquer et les pauvres les endurent chaque jour et peuvent donc les décrire.
Dufourny est attaché au sort des pauvres car il est le témoin (lors de son activité d'architecte) de leurs vertus : ils sont laborieux, courageux…
Dufourny va plus loin que demander une aide, il démontre l'utilité, le savoir de cette classe de citoyens.
Il dénonce la création des dépôts de mendicité (pour cacher la misère !), il évoque les conditions de travail, le prix du pain, l'éducation qui doit être nationale, le logement, les vêtements, les maladies.
Vous aurez compris que je suis enthousiasme à cette lecture, si claire, si lucide et si moderne !