Citations sur La chambre des officiers (206)
car moi, le mutilé de la face, je ne vieillirai pas. La guerre m'a fait vieillard à vingt-quatre ans. Je n'ai pas eu le courage de me suicider. J'ai eu le courage de ne pas me suicider. La rancoeur, l'aigreur menacent. Je fais face à l'ennemi intérieur.
( Un blessé maxillo-facial, qui a "un trou au milieu du visage comme si les chairs avaient été aspirées de l'intérieur", vient de se suicider après la visite de sa femme et de ses enfants )
Ni sa femme, ni ses enfants ne l'avaient reconnu. Le plus grand s'était enfui en courant et en criant : " Pas mon papa, pas mon papa ! " Sa femme avait pris les enfants par la main, lui promettant de revenir quand il serait "plus en état".
《S'il n'y avait pas cette foutue croyance dans la vie éternelle, dit-elle, les hommes n'iraient pas à la boucherie avec une telle conviction!》
Je la regarderai se faner, je verrai le temps affaiblir ses contours, creuser sa beauté. Car moi, le mutilé de la face, je ne vieillirai pas. La guerre m’a fait vieillard à vingt-quatre-ans. Je n’ai pas eu le courage de me suicider. J’ai eu le courage de ne pas me suicider. La rancœur, l’aigreur menacent. Je fais face à l’ennemi intérieur.
Les gens défigurés ont ceci de particulier qu'on les remarque, qu'on ne voit qu'eux, et que, dans le même temps, on ne les voit pas.
Dans cette grande salle sans glace, chacun d'entre nous devient le miroir des autres.
[...]dans votre salle, y vont mettre que des esquintés de la trogne, quoi. Que des officiers défigurés, qu'elle a dit. Y z'ont fait la même chose pour le simple soldat à l'étage au-dessous, et ça se remplit déjà. Pour les officiers , vous êtes le premier. Une sacrée veine, comme ça vous choisissez votre plumard. C'est rapport à cette clientèle qu'y m'ont demandé d'ôter tous les miroirs.
p43
Il n'y a finalement que les morts qui puissent nous envier. Et encore, j'en doute.
Je compris qu'il existait une foi qui ne ressemblait à rien de ce que j'avais pu envisager jusqu'ici. Penaster ne cherchait aucune protection divine, sa relation avec le Créateur n'avait rien du maître et de l'élève. Il distinguait les croyants, dont il s'honorait de faire partie, des superstitieux. "Les premiers donnent, disait-il. Les seconds donnent pour recevoir." Il pensait que l'homme, dans sa quête de certitude, courait à sa perte, que Dieu lui avait attribué un degré de conscience qui lui permettait de comprendre les grandes questions, mais que jamais le Créateur ne lui avait assigné la tâche d'y répondre, tâche qu'il s'était réservé. C'est ce qu'il appelait le grand malentendu. Avec Penanster la religion prenait un sens bien différent de celui donné par les caricatures des enseignements et les comportements des dévots qui avaient croisé mon enfance et dont la foi n'était rien d'autre qu'une volonté de domination par la morale.
Mais pour moi, il était trop tard.
Je compris qu'il existait une foi qui ne ressemblait à rien de ce que j'avais pu envisager jusqu'ici. Penanster ne cherchait aucune protection divine, sa relation avec le Créateur n'avait rien du maître et de l'élève. Il distinguait les croyants, dont il s'honorait de faire partie, des superstitieux. "Les premiers donnent, disait-il. Les seconds donnent pour recevoir." Il pensait que l'homme, dans sa quête de certitude, courait à sa perte, que Dieu lui avait attribué un degré de conscience qui lui permettait de comprendre les grandes questions, mais que jamais le Créateur ne lui avait assigné la tâche d'y répondre, tâche qu'il s'était réservé. C'est ce qu'il appelait le grand malentendu.