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Critique de Ode


« Je m'appelle Juette, j'ai quinze ans. Je suis mariée. J'ai sans doute été punie parce que je suis mauvaise. »

À Huy, au XIIe siècle, la petite Juette ressemble à un oiseau fragile et rêveur à qui on aurait coupé les ailes. Alors qu'elle aimerait courir pieds nus dans l'herbe, sa mère la tient enfermée pour coudre avec elle devant le feu. Son seul ami et confident, c'est Hugues, jeune moine de l'abbaye de Floreffe. Lui seul perçoit la profondeur de la foi de Juette et partage ses aspirations, proches de celles des cathares.
Les questionnements de Juette sur la vie et la religion inquiètent ses parents, qui décident de la marier dès treize ans à un homme de presque quarante ans, receveur des impôts comme son père. Cinq ans et plusieurs grossesses plus tard, la mort (souhaitée) de son époux lui permet de s'affranchir : refusant les bons partis, elle place son enfant et cède tous ses biens aux lépreux, puis décide d'aller vivre avec eux...

« Je m'appelle Juette, je n'ai plus d'âge. J'ai une revanche à prendre. »

La Passion selon Juette est un roman fort qui m'a émue aux larmes. D'autant plus fort qu'il s'inspire de la vie réelle d'Yvette de Huy, dite Juette, conservée grâce au manuscrit d'Hugues de Floreffe. Donnant tour à tour la parole à Juette et à Hugues, d'une très belle écriture, Clara Dupont-Monod fait revivre cette enfant privée d'enfance, condamnée au nom d'un mariage imposé à souffrir chaque nuit sous le poids d'un homme, à connaître les douleurs de l'enfantement... Comment, dès lors, s'étonner de sa "folie" ? de sa volonté de se retirer dans un béguinage consacré au soin des lépreux ? Quelle autre manière « d'échapper aux hommes », à la prison du mariage ou à celle du couvent ?

On peut rapprocher ce récit du Domaine des Murmures, écrit quelques années plus tard par Carole Martinez. La rébellion de Juette face au mariage et aux lois édictées par les hommes préfigure celle d'Esclarmonde. Par son dénuement et le don de soi, par ses visions aussi, Juette acquiert une puissance mystique qui dépasse celle de l'Eglise et qui résonne encore aujourd'hui.

Une lecture à méditer sur la condition féminine, la religion, la foi et plus largement sur la liberté de l'être humain.

Juette, libre dans sa tête... Coup de coeur et coup au coeur !
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