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Critique de fanfanouche24


[Emprunté à la médiathèque début juillet 2021 ]

Un volume moyennement connu de textes de Marguerite Duras, dont Les Cahiers de la guerre qui forment la part exceptionnelle de ces archives déposées par Marguerite Duras à L'Institut des Mémoires de l'édition contemporaine [IMEC ], en 1995.


« Ces "Cahiers de la guerre"(...) constituent, de fait un ensemble homogène: l'unité matérielle établie par Marguerite Duras s'explique par leur cohérence à la fois chronologique et thématique, puisqu'ils ont été rédigés pendant et juste après la guerre, entre 1943 et 1949 (...)
Sur le plan biographique, l'intérêt des "Cahiers de la Guerre" est considérable (...)

Nombre de récits publiés ici touchent, en effet, à des événements centraux, et très vraisemblablement fondateurs, de son existence (la mort de son premier enfant, celle de son frère; ses activités dans la Résistance; la déportation et le retour de Robert Antelme; la naissance de son fils Jean...), et l'on y voit déjà se dessiner les figures primordiales de son oeuvre (sa mère, ses frères, son amant...) On comprend aisément que ces textes occupent, à ses propres yeux, une place unique et capitale. (p. 10) [Préface de Sophie Bogaert et Olivier Corpet ]

Ecrits entre 1943 et 1949, ces témoignages offre un matériau autobiographique unique, en même temps que l'on prend connaissance du travail littéraire de l'écrivain à ses débuts…. Mes préférences vont aux premières pages couvrant l'année 1943, où Marguerite Duras y parle de son enfance, de sa jeunesse en Indochine…de sa famille, de ses frères, des rapports avec les annamites.
Lignes qui anticipent un futur roman personnel que j'avais lu avec enthousiasme : « Un Barrage contre le Pacifique »…Autre écrit de ce volume, particulièrement retenu, qui touche également ce noyau des plus complexes que représente les rapports entre l'auteure et sa mère, sa personnalité forte , ambivalente, écrasante et fragile, tour à tour : « L'Enfance illimitée «

« (...) je n'ai eu ni maison familiale, ni jardins connus, ni greniers, ni grands-parents, ni livres, ni ces camarades qu'on voit grandir. Rien de tout cela. Vous vous demandez ce qu'il reste ? Il reste ma mère. Pourquoi me le cacher ?
C'est d'elle que je veux dire l'histoire, l'étonnant mystère jamais connu, ce mystère qui a été très longtemps ma joie, ma douleur, où je me retrouvais toujours et d'où je m'enfuyais souvent pour y revenir. Ma mère a été pour nous une vaste plaine où nous avons marché longtemps sans trouver sa mesure. (...) D'ailleurs ce n'est pas un souvenir. C'est une vaste marche qui n'a jamais fini. (p. 360)”

« Ma mère passait alors sa main sur mon visage, doucement, et me disait: "Oublie". J'oubliais et repartais rassérénée. Avec ces mêmes mains, plus tard, elle me battait. Et elle gagnait mon pain en corrigeant des copies ou en faisant des comptes à longueur de nuit. Elle y mettait la même générosité. Elle battait fort, elle trimait fort, elle était profondément bonne, elle était faite pour les violentes destinées, pour explorer à coups de hache le monde des sentiments. [Cahier rose marbré, p.62 ]

Des inédits,des nouvelles, des ébauches de récits….

Parmi ces nombreux récits, l'un m'a bouleversé, très, très noir, à l'image des nouvelles « à la Maupassant » ou « à la Mirbeau », il s'agit de « Pigeons volés » : une vieille femme vive et pleine de fantaisie, cassée en deux par les travaux extérieurs, est haïe par sa belle-fille, qui lui mène la vie dure depuis des années. Elle voudrait être la seule maîtresse incontestée de la maison familiale. Cette vieille femme fait comme si de rien n'était, prend cela avec légèreté, ne veut pas rentrer dans ce cercle de brimades et d'hostilités jusqu'au jour où la belle-fille trouvera une cruauté de plus à faire subir à sa belle-mère, et finira par la détruire à petit feu. Haine et cruauté illimitées, incompréhensibles semblant être les seuls « moteurs » nourrissant l'existence de cette belle-fille, dont le mari (le fils) cautionne par son silence et son inertie lamentable !

De multiples autres commentaires pourraient être ajoutés… à la richesse et à l'abondance de ces « archives »…

Nous pouvons lire les débuts de futurs textes comme « La Douleur », « Un Barrage contre le Pacifique », « le Marin de Gibraltar », « Outside »…En fin de volume, table des Correspondances des « Cahiers de la guerre » avec l'oeuvre publiée de Marguerite Duras, ainsi qu'un index des personnages fictifs et des proches apparaissant dans ces « Cahiers» … Pour tous les « passionnés » et assidus de l'oeuvre durassienne ! Ne pas omettre de louer les missions et le travail infiniment précieux de ce centre d'Archives, l'IMEC…

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