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Sophie Bogaert (Éditeur scientifique)Olivier Corpet (Éditeur scientifique)
EAN : 9782846821568
448 pages
P.O.L. (05/10/2006)
4.07/5   22 notes
Résumé :
Ecrits entre 1943 et 1949, les Cahiers de la guerre de Marguerite Duras ont longtemps été conservés dans les mythiques " armoires bleues " de sa maison de Neauphle-le-Château.
Malgré l'appellation inscrite sur l'enveloppe qui les renfermait, le contenu de ces cahiers excède amplement le cadre de la guerre. On y trouve en effet des récits autobiographiques où elle évoque les périodes les plus cruciales de sa vie, particulièrement sa jeunesse en Indochine ; des... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
[Emprunté à la médiathèque début juillet 2021 ]

Un volume moyennement connu de textes de Marguerite Duras, dont Les Cahiers de la guerre qui forment la part exceptionnelle de ces archives déposées par Marguerite Duras à L'Institut des Mémoires de l'édition contemporaine [IMEC ], en 1995.


« Ces "Cahiers de la guerre"(...) constituent, de fait un ensemble homogène: l'unité matérielle établie par Marguerite Duras s'explique par leur cohérence à la fois chronologique et thématique, puisqu'ils ont été rédigés pendant et juste après la guerre, entre 1943 et 1949 (...)
Sur le plan biographique, l'intérêt des "Cahiers de la Guerre" est considérable (...)

Nombre de récits publiés ici touchent, en effet, à des événements centraux, et très vraisemblablement fondateurs, de son existence (la mort de son premier enfant, celle de son frère; ses activités dans la Résistance; la déportation et le retour de Robert Antelme; la naissance de son fils Jean...), et l'on y voit déjà se dessiner les figures primordiales de son oeuvre (sa mère, ses frères, son amant...) On comprend aisément que ces textes occupent, à ses propres yeux, une place unique et capitale. (p. 10) [Préface de Sophie Bogaert et Olivier Corpet ]

Ecrits entre 1943 et 1949, ces témoignages offre un matériau autobiographique unique, en même temps que l'on prend connaissance du travail littéraire de l'écrivain à ses débuts…. Mes préférences vont aux premières pages couvrant l'année 1943, où Marguerite Duras y parle de son enfance, de sa jeunesse en Indochine…de sa famille, de ses frères, des rapports avec les annamites.
Lignes qui anticipent un futur roman personnel que j'avais lu avec enthousiasme : « Un Barrage contre le Pacifique »…Autre écrit de ce volume, particulièrement retenu, qui touche également ce noyau des plus complexes que représente les rapports entre l'auteure et sa mère, sa personnalité forte , ambivalente, écrasante et fragile, tour à tour : « L'Enfance illimitée «

« (...) je n'ai eu ni maison familiale, ni jardins connus, ni greniers, ni grands-parents, ni livres, ni ces camarades qu'on voit grandir. Rien de tout cela. Vous vous demandez ce qu'il reste ? Il reste ma mère. Pourquoi me le cacher ?
C'est d'elle que je veux dire l'histoire, l'étonnant mystère jamais connu, ce mystère qui a été très longtemps ma joie, ma douleur, où je me retrouvais toujours et d'où je m'enfuyais souvent pour y revenir. Ma mère a été pour nous une vaste plaine où nous avons marché longtemps sans trouver sa mesure. (...) D'ailleurs ce n'est pas un souvenir. C'est une vaste marche qui n'a jamais fini. (p. 360)”

« Ma mère passait alors sa main sur mon visage, doucement, et me disait: "Oublie". J'oubliais et repartais rassérénée. Avec ces mêmes mains, plus tard, elle me battait. Et elle gagnait mon pain en corrigeant des copies ou en faisant des comptes à longueur de nuit. Elle y mettait la même générosité. Elle battait fort, elle trimait fort, elle était profondément bonne, elle était faite pour les violentes destinées, pour explorer à coups de hache le monde des sentiments. [Cahier rose marbré, p.62 ]

Des inédits,des nouvelles, des ébauches de récits….

Parmi ces nombreux récits, l'un m'a bouleversé, très, très noir, à l'image des nouvelles « à la Maupassant » ou « à la Mirbeau », il s'agit de « Pigeons volés » : une vieille femme vive et pleine de fantaisie, cassée en deux par les travaux extérieurs, est haïe par sa belle-fille, qui lui mène la vie dure depuis des années. Elle voudrait être la seule maîtresse incontestée de la maison familiale. Cette vieille femme fait comme si de rien n'était, prend cela avec légèreté, ne veut pas rentrer dans ce cercle de brimades et d'hostilités jusqu'au jour où la belle-fille trouvera une cruauté de plus à faire subir à sa belle-mère, et finira par la détruire à petit feu. Haine et cruauté illimitées, incompréhensibles semblant être les seuls « moteurs » nourrissant l'existence de cette belle-fille, dont le mari (le fils) cautionne par son silence et son inertie lamentable !

De multiples autres commentaires pourraient être ajoutés… à la richesse et à l'abondance de ces « archives »…

Nous pouvons lire les débuts de futurs textes comme « La Douleur », « Un Barrage contre le Pacifique », « le Marin de Gibraltar », « Outside »…En fin de volume, table des Correspondances des « Cahiers de la guerre » avec l'oeuvre publiée de Marguerite Duras, ainsi qu'un index des personnages fictifs et des proches apparaissant dans ces « Cahiers» … Pour tous les « passionnés » et assidus de l'oeuvre durassienne ! Ne pas omettre de louer les missions et le travail infiniment précieux de ce centre d'Archives, l'IMEC…

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Ce livre n'est donc pas un roman : il s'agit de la compilation arrangée de ses cahiers manuscrits, contenant certains récits et ébauches de ses futurs romans. Ce livre est un trésor. Pour moi, pour tous ceux qui aiment Duras, car faut-il le dire, un écrivain n'est pas une machine à éditer, il y a, il doit y avoir derrière les mots, une vie, une pensée, un désir.

Marguerite Duras écrit avec une élégance qui me passe à travers les yeux, une force poignante. Il y a le passage très émouvant sur l'attente de son mari Robert, détenu en camp de concentration.

Puis la lutte a commencé. Avec la mort. Il fallait y aller doux avec elle, avec délicatesse, tact, doigté. Elle le cernait de tous les côtés, mais, tout de même, il y avait encore moyen de l'atteindre lui, mais la vie était quand même en lui, à peine une écharde...(p.284)

Il y a sa jeunesse battue. Sa révolte contre tout. Surtout Dieu.

Quoiqu'elle puisse écrire, je suis dans l'hypnose de sa présence, de sa voix. Je l'écoute, elle est forte, elle s'affaisse, elle murmure, elle faiblit, elle meurt avec sa désillusion, elle s'empoisonne d'angoisse dans la vision de son mari mort dans un chemin, dans un trou, la face dans la terre. Tout résonne en moi et tangue dans mes yeux mouillés. Mouchoir furtif dans le train, personne n'a rien vu, mais je voudrais me lever et dire "lisez ce livre" !
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Récit autobiographique qui évoque d'abord Barrage contre le Pacifique puis L'amant. La suite est plutôt le récit de son adolescence. Rapport avec sa mère et le frère aîné. Rédigé à 15 ans de distance, soit à l'âge de 30 ans environ. Début de l'histoire de Théodora, roman resté inachevé (période de la Libération de Paris). Un second récit, Suzanne, reprend plutôt la trame autobiographique et/ou Barrage contre le Pacifique (à partir de la page 141).
Lecture partielle jusqu'à la page 156.
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Citations et extraits (17) Voir plus Ajouter une citation
Préface de Sophie Bogaert et Olivier Corpet

Ces "Cahiers de la guerre"(...) constituent, de fait un ensemble homogène: l'unité matérielle établie par Marguerite Duras s'explique par leur cohérence à la fois chronologique et thématique, puisqu'ils ont été rédigés pendant et juste après la guerre, entre 1943 et 1949 (...)
Sur le plan biographique, l'intérêt des "Cahiers de la Guerre" est considérable (...)
Nombre de récits publiés ici touchent, en effet, à des événements centraux, et très vraisemblablement fondateurs, de son existence (la mort de son premier enfant, celle de son frère; ses activités dans la Résistance; la déportation et le retour de Robert Antelme; la naissance de son fils Jean...), et l'on y voit déjà se dessiner les figures primordiales de son oeuvre (sa mère, ses frères, son amant...) On comprend aisément que ces textes occupent, à ses propres yeux, une place unique et capitale. (p. 10)
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Cahier rose marbré

Ma mère passait alors sa main sur mon visage, doucement, et me disait: "Oublie". J'oubliais et repartais rassérénée. Avec ces mêmes mains, plus tard, elle me battait. Et elle gagnait mon pain en corrigeant des copies ou en faisant des comptes à longueur de nuit. Elle y mettait la même générosité. Elle battait fort, elle trimait fort, elle était profondément bonne, elle était faite pour les violentes destinées, pour explorer à coups de hache le monde des sentiments. (p. 62)
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Les pigeons volés

Malgré son incroyable ignorance, son esprit restait exercé, et d'une curiosité très pure. Chacun la craignait un peu, comme on craint ceux qui vient bien et retiennent tout, comme on s'inquiète aussi de la vie, dans [ses ] inspirations, dans son insondable poésie. C'est pourquoi on préférait la dire médisante, alors qu'elle n'était éprise que de fantaisie, mais ma mère lui portait plus d'estime qu'à aucune autre.
Pour nous autres enfants, elle s'en venait avec le soir qui nous ramenait à la maison, et aussi elle était bien cette vieille femme sur laquelle on fermait la porte, pour se garder d'une nuit qu'elle semblait enchanter. (p. 403)
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L'Enfance illimitée

Je ne voudrais voir dans mon enfance que de l'enfance. Et pourtant, je ne le puis. (...)
C'est la période de ma vie que je sens la plus aride, à part quelques années qui sont e elle, comme un reposoir, où j'ai puisé des forces pour toute ma vie. Rien de plus net, de plus vécu, de moins rêvé que ma toute enfance. Aucune imagination, rien de la légende et du conte bleu qui auréolent l'enfance du nimbe des rêves.
Je ne veux rien m'expliquer. C'est ainsi pour moi et mes deux frères, qui ont vécu les mêmes années. Cette enfance me tracasse, pourtant , et suit ma vie comme une ombre. Elle ne m'attire pas par son charme, car elle n'en a guère à mes yeux, mais tout au contraire par son étrangeté. Elle n'a jamais conditionné ma vie. Elle a été solitaire et secrète-farouchement gardée et ensevelie en elle-même pendant très longtemps.
Je la dirai au gré du vent qui souffle en moi lorsque je la sens m'envahir et m'obséder comme une aventure oubliée- et non éclaircie. (p. 360)
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Cahier rose marbré

Par la ville je m'en allais. Ainsi que je croyais que l'humanité fait le dimanche après-midi dans toutes les villes du monde, je faisais. On m'avait toujours enseigné et profondément inculqué le sens des conventions humaines. Et je peux affirmer absolument que pendant toute une grande partie de ma jeunesse, je me suis appliquée à être" comme les autres", à "passer", ce qui m'a valu une somme de douleur considérable et un désespoir latent qui ne m'a quitté qu'étrangement tard. (p. 94)
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