Citations sur La nuit de l'apocalypse (12)
Il y aura toujours du chagrin, pour Hamid ou pour quelqu’un d’autre. Qu’ils t’aiment ou non, tu ressentiras toujours une sorte de souffrance. Ce qui compte c’est de tenir ces chagrins bien séparés les uns des autres, de ne pas les laisser former une masse compacte, si lourde que tu ne pourrais plus la porter.
Un chagrin après l’autre, une cicatrice sur une autre ; ils ne faisaient qu’un, qu’une seule douleur.
Le véritable danger, cependant, résidait moins dans les bombes et les balles que dans une insidieuse propension au cynisme. Il les observait depuis des années, les politiciens, les universitaires, les soldats et les espions, fiers de leurs schémas et de leurs plans infaillibles, un par un, ils rouillaient. Vu de Londres, cela ressemblait à des enfantillages. Mais sur place, on ne pouvait plus se permettre le luxe qu’autorisait la distance.
Les devoirs des croyants sont peu nombreux. Prier, respecter le jeûne, effectuer un pèlerinage à La Mecque, éviter les interdits, faire le bien. Mais notre époque nous impose à tous un devoir nouveau : la guerre sainte contre les ennemis de l’Islam, jusqu’à leur extermination. Car ce que Dieu a promis se réalisera. Aujourd’hui, cependant, une nouvelle menace plane sur le cœur de l’Islam.
Le monde qu’il voyait dans sa lunette n’était pas le monde réel. Les images agrandies étaient fantomatiques, des formes vagues, échappées d’un univers parallèle. Les longues voitures noires étaient échouées comme des baleines mirifiques. Le gravier de l’allée ressemblait à une plage que l’océan aurait désertée. Et sa cible – ce n’était pas un homme, pas un être humain dont les ultimes respirations étaient désormais comptées, mais un succube qui n’existait que dans le petit monde de son fusil. Un homme pouvait tuer ce genre de succubes en toute impunité, il pouvait les tuer et regarder son Dieu en face, en souriant, et se réfugier dans Ses bras.
Dès qu’il la toucha, il sut que l’amour était plus important que le devoir, la bonté ou la pitié, qu’il ne ferait plus de concessions, qu’il ne paierait pas plus longtemps le prix exorbitant d’un cœur douloureux en échange d’un respect des apparences. Jamais il n’avait éprouvé de tels regrets, jamais il ne s’était senti ainsi trahi par le passage du temps.
Il la déshabilla en hâte, haletant, comme si elle risquait de s’évanouir en fumée.
« Tu aimes toujours Concepta ? »
Comme cette question semblait stupide ! Une formule stéréotypée, un cliché rebattu dans tous les mauvais romans, usé par son inlassable répétition dans tous les magazines ! Pourtant, elle avait été incapable de se retenir de la poser. Il fallait qu’elle sache, quoi qu’il arrivât.
Rien n’est permanent nulle part.
La guerre a eu cet effet sur beaucoup d’entre nous. Ceux qui ont survécu ont changé. Irrévocablement. Pour une femme, c’est deux fois – non, dix fois plus difficile. Pas de survivre, ça nous le faisons mieux que vous les hommes. Mais de rester intacte, de plonger au cœur de tant de haine et d’en sortir indemne, ça c’est très difficile. Les ravages que cela exerce sur nous sont dévastateurs.
On s’accorde à reconnaître au moins une qualité à l’Irlande : elle n’a jamais été impérialiste. Bien au contraire, nous avons été colonisés tout au long de notre histoire. Ça plaît beaucoup aux musulmans d’aujourd’hui.