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Critique de mariecesttout


Ravel, premier livre de Jean Echenoz que je lisais.
Cela semble n'avoir pas grand-chose à voir, mais lisant toujours plusieurs livres à la fois, j'étais passionnée au même moment de découvrir dans le Journal de Joyce Carol Oates comment se construit un roman.Un roman qui ..me parle, je veux dire, pas un roman qui sent justement la fabrication. N'étant pas une littéraire, c'est une chose à laquelle je n'avais pas souvent pensé ! Sauf peut être en lisant la Correspondance de Flaubert, qui en parle longuement dans certains échanges. Et là, j'ai été particulièrement sensible à la construction et au rythme du récit.

Echenoz prend donc un personnage et des évènements bien réels et il les habille minutieusement, avec force détails descriptifs ( les habits, la maison, les lieux, les traits de caractère, les manies -les fameuses chaussures vernies sans lesquelles Ravel n'est rien, mais qu'il oublie tout le temps!- les rapports , de travail surtout, avec les autres personnages, dont par exemple le redoutable Toscanini qui joue le Boléro trop vite, ou Marguerite Long dont le portrait est court, mais hilarant.. ).
Tout cela est donc longuement décrit. Enfin, cela semble long, et je me suis demandée , dans ce livre si court, comment il allait caser 10 ans de vie, puisque l'on est prévenu à l'avance.

Le rythme.. tout est très lent donc au début. Et en 1933, l'accident de taxi et tout s'accélère, c'est la fin. Et pourtant il va se passer encore 4 ans… Mais il n'y a plus ni "développement" ni " modulation ". Juste des lieux qui changent et des " idées qui restent enfermées dans son cerveau ".

Déjà, le succès du Boléro, "une chose qui s'auto-détruit, une partition sans musique, une fabrique orchestrale sans objet, un suicide dont l'arme est le seul élargissement du son , quelque chose qui relève du travail à la chaîne" l'a surpris. Vide de musique ,tout dans le rythme.
Après, il y a le fameux Concerto pour la main gauche que Paul Wittgenstein, voulant montrer que l'on peut être manchot et bon pianiste, lui a massacré:

"C'est que Wittgenstein n'a pas du tout simplifié l'ouvrage pour l'adapter à ses moyens, bien au contraire il a dû voir l'occasion de montrer à quel point, tout handicapé qu'il soit, il est bon… le visage de Ravel est blanc. A la fin du concert, pressentant que cela va mal tourner, Marguerite tente aussitôt une diversion avec l'ambassadeur en parlant d'autre chose, mais rien à faire: Ravel s'approche lentement de Wittgenstein, on ne lui pas vu cette tête depuis qu'il s'avançait vers Toscanini. Mais ça ne va pas, dit-il froidement. Ca ne va pas du tout. Ecoutez, veut se défendre Wittgenstein, je suis un vieux pianiste et, franchement, ça ne sonne pas. Je suis quant à moi un vieil orchestrateur, répond Ravel de plus en plus glacé, et je peux vous dire que ça sonne . le silence qui s'assied dans la salle à ces mots sonne pour sa part plus fort encore. Malaise sous les moulures, embarras chez les stucs. Les plastrons des smokings pâlissent, les franges des robes longues se figent, les maîtres d'hôtel examinent leurs souliers. Ravel enfile son manteau sans un mot puis quitte prématurément les lieux, traînant après lui Marguerite éperdue."

Cet extrait qui donne une idée du style, et des consonances se situe donc en 1931, à la page 97 sur 117, il reste 6 ans, 20 pages mais c'est le tout dernier mouvement..

Du grand art!.

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