Place Tahir, Place Tian'anmen...places de sinistre mémoire, dont chacun de nous se souvient.
Alaa El Aswany n'a jamais fait dans la dentelle, chacun de ses titres est une mise en accusation, celle d'un homme courageux, qui aurait pu se contenter de soigner des dents, de mettre des plombages, de se cantonner dans son métier de dentiste...
Non cet homme préfère témoigner et prend plaisir à dénoncer les maux de l'Egypte, l'islamisme, la corruption de ses hommes politiques, du pouvoir..
Ce titre, son plus récent à ce jour, a pour cadre les sinistres événements de la place Tahir de janvier et février 2011...où convergèrent plusieurs millions d'Égyptiens demandant plus de démocratie et de justice sociale. Ils souhaitaient pour cela qu'Hosni Moubarak le président égyptien corrompu et au pouvoir depuis 30 ans, quitte le pays.
Un pouvoir qu'il ne pouvait garder que grâce à la violence de ses sbires, soldats ou généraux vicieux pratiquant la pire des tortures, le viol et surtout corrompus jusqu'à la moelle comme tout le régime.
Alaa El Aswany met en scène divers personnages, parmi lesquels un général vicieux et sadique pratiquant la torture, des étudiants et étudiantes, un acteur, une présentatrice télé, un directeur de cimenterie, un chauffeur, une jeune femme professeur, une servante...mais il en a tant d'autres...Ce n'est qu'un aperçu de cette variété de points de vues, de rancoeurs, d'engagements, de courages ou de vices qui vivent ou répriment, un mal-être, un malaise, un soulèvement populaire allant jusqu'à sa répression violente et meurtrière.
Le livre est fait de courts chapitres alternant correspondances, points de vues, violences, rancoeurs accumulées, vices, engagements, pressions politiques.
Certains personnages sont attachants, du fait de leur courage, de leur pauvreté ou de leur droiture quand d'autres sont répugnants car vicieux, intéressés, violents, sadiques, âpres au gain ou au pouvoir, prêts à toutes les turpitudes pour conserver leurs acquis, leur place, leur pouvoir, leur fric.
Et puis il y a les jeunes filles, les jeunes femmes vivant sous un régime islamique et intégriste...on ne peut que les admirer et être révolté par leurs conditions de vie, par la "considération" qui leur est portée.
Le livre est dérangeant, violent et surtout courageux. le roman devient politique.
Oui, il en fallait du courage pour aller manifester sur cette place, pour revendiquer plus de justice, plus d'égalité et moins de violence, moins de corruption....la place se transformera en souricière quand les chars écrasèrent les manifestants, quand les soldats tirèrent, visant les yeux des manifestants...
Oui, il en faut du courage pour oser affronter et décrire par le menu un pouvoir corrompu, une justice qui ne fait pas justice, pour oser s'engager avec seulement une machine à écrire ou un stylo, pour oser décrire un système violent tuant ses opposants....oser prendre le parti des plus faibles, des plus pauvres, quand on pourrait se reposer derrière sa condition sociale.
Un livre indispensable.
Respect ! Monsieur
Alaa El Aswany face à votre courage
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