La Cité du soleil
Les réserves, voire l’aversion, qu’éveille l’utopie totalitaire proposée par le dominicain calabrais Tommaso Campanella (1568-1639) tranchent étrangement avec l’admiration que suscitent le courage et la détermination dont il fit preuve dans les effroyables prisons où s’écoula la plus grande partie de sa vie et où il parvint à rédiger quelque trente volumes, touchant les sujets les plus divers, philosophie, théologie, grammaire, astrologie, magie.
Il sut, au fond de la longue nuit qui fut sienne, tirer de lui la seule clarté qui lui évitât de s’y ensevelir à jamais, mais c’est la luminescence d’un tombeau. Comme s’il avait été induit à ne concevoir d’autre lumière que dans un lieu clos, sa Cité du Soleil décrit, avec une précision glacée, une société de liberté carcérale où tout est agencé dans ses moindres détails pour octroyer à chacun, qu’il y consente ou non, une manière de bien-être sans désirs ni passion.