D'un homme qui, maître lui-même, recueillait avec tant de respect les dessins de ses contemporains, les moindres essais sont à conserver et à classer religieusement. C’est ce que nous avons essayé de faire sans rien omettre de ce qui pouvait expliquer, commenter, illustrer ces pages précieuses. Souvent, pour mieux en dégager le sens, il nous a fallu faire quelques excursions dans la vie de Dürer, le suivre dans ses voyages à travers l’Allemagne et l‘Italie ou dans les Flandres, le chercher au milieu de sa famille et de ses amis et dans ses rapports avec les puissants de son temps. Il était impossible de présenter intelligiblement certains morceaux, sans les placer dans leur milieu, en relevant les circonstances qui en avaient provoqué l'éclosion.
Dans ces années, Dürer mit au jour une oeuvre qui lui valut parmi ses contemporains la plus juste popularité et qui est encore un de ses meilleurs titres de gloire, les vingt compositions formant la Vie de la Vierge (B. 76-95), pour lesquelles il eut la bonne fortune de rencontrer un tailleur en bois qui sut fidèlement interpréter ses dessins.
En 1485, âgé de quatorze ans, il date et signe‘ des initiales gothiques A. D. un curieux dessin à la plume, une Madone avec Jésus, assise sur un trône à baldaquin entre deux anges musiciens. On s’est étonné qu’un enfant de cet âge ait pu concevoir une composition aussi importante et donner à ses personnages un sentiment religieux d’une pareille intensité; on a remarqué encore que Dürer n’a peut-être jamais retrouvé, dans un âge plus avancé, la même pureté d’idéal.
Aujourd‘hui les dessins de Dürer trouvent une hospitalité plus sûre, soit dans des musées, où ils sont à l’abri des caprices de la vente aux enchères et de la dispersion, soit dans de sérieuses collections destinées évidemment à enrichir un jour ces musées.