Citations sur Les oreilles de Buster (113)
Je compris alors que celui qui éprouve un sentiment de culpabilité n'a pas forcément commis de péché. En revanche, on l'a accusé de tous les maux. (p. 412)
Mais je ne suis sûrement pas le seul. On rencontre quelqu'un. Tout à coup, d'autres choses prennent de l'importance : l'endroit où on habite...(...) Tout le monde rencontre tout le monde et on se mesure à tout le monde et il faut avoir un bon boulot pour toucher son salaire tous les mois. Au début c'est plutôt sympa. Comme de jouer au Monopoly, quand on commence à dépouiller ses adversaires, qu'on construit un immeuble dans une rue. On prend son pied. Mais ce n'est que quand on a gagné et qu'on se retrouve avec un paquet de pognon qu'on se rend compte que ce n'était qu'un putain de jeu, et que j'aurais pu faire autre chose à la place. (p. 197)
A cinquante-six ans, il en faut beaucoup pour vous étonner. Je ne me souviens même pas la dernière fois que ça m'est arrivé. Avec le temps les choses deviennent de plus en plus prévisibles. Les saveurs perdent leur relief et la vision se trouble. Seules les odeurs persistent
Après un moment, il a raccroché. Mais la voix d'Irène a continué à fuser du combiné comme la fumée d'un mégot mal écrasé, qui chuinte encore au fond d'un cendrier. J'ai eu la sensation d'étouffer.
Nous sommes seuls. Nous venons seuls au monde et nous le quittons seuls, même si nous vivons entourés d'amour, de dévotion et de bienveillance. Le temps venu, dans les moments décisifs où nos chemins se séparent, nous sommes isolés, comme des insectes piégés dans le sable.
Dans mon esprit, l'amour était encore intimement lié à la peur. Je craignais de me rendre vulnérable et de m'entendre dire qu'il vaut toujours mieux s'aimer soi-même. (...)
L'amour n'était-il pas une toile d'araignée qui se déchirerait au moindre effleurement ? Voilà pourquoi je choisis d'emmailloter mes sentiments dans les mots, de lui rappeler la paix et l'harmonie que je ressentais en sa présence, de lui assurer qu'avec lui seul j'osais montrer qui j'étais. (p. 316)
En revanche, je me rappelle avoir progressivement compris que ma mère ne se soucierait jamais assez de moi pour m'aimer, et que seule l'une d'entre nous deux verrait le bout du tunnel saine et sauve. A sept ans , je décidai que ce serait moi. (p. 36)
C'est d'ailleurs à ce moment précis que je décidai de tuer ma mère. Cette décision au long cours exigerait l'élaboration méticuleuse d'un plan, et un véritable entrainement. Mais je devais l'éliminer. C'était elle ou moi, je le compris ce jour-là. Aussi longtemps qu'elle vivrait, elle m'empêcherait de vivre. Elle me viderait de ma substance et ne laisserait de moi qu'une écorce creuse, desséchée, qui finirait par tomber en miettes. Je n'avais que sept ans, mais j'étais parfaitement consciente de ce qu'elle m'avait fait endurer, et ce dont elle était encore capable. Je décidai de lutter pour ma vie.
-Mais j'ai peur.
- Non, Eva, tu n'as pas peur. Elle a dit un jour que tu étais peureuse , mais tu ne l'es pas; Tu ne l'as jamais été. Celui qui prétend ça d'un autre est tellement prisonnier de sa propre peur qu'il n'en est même pas conscient.
- Et qu'est-ce c'est , la peur ?
- C'est ne rien faire, Eva. (p. 208)
Et là, maman, j'ai senti quelque chose mourir en moi. Après ça, je n'osais plus dire la moindre impertinence, parce que tu étouffais systématiquement les conflits, tu les noyais dans une effusion d'amour. (p. 176)