Un roman d'amour et d'attente, attente de la mort pour un couple dont la femme est atteinte d'un cancer. La narration est faite par l'homme, la femme déjà largement absente du fait de l'hospitalisation et de la progression de la maladie. Ce sont donc les actes et les sentiments de l'homme qui sont développés par lui-même, très variés; il est souvent dans des bars, observant les passants, surtout les passantes. Il côtoie avec désarroi sa famille et belle-famille qu'il ne peut supporter. On pourrait par moments douter de son attachement à celle qui s'en va peu à peu; pourtant, ma perception est celle d'un amour fort entre eux. Lui doit s'accrocher à la vie et penser à l'avenir. Il ressent certainement un malaise, celui de continuer à vivre et il cherche une fuite de la réalité à travers son quotidien et les différentes rencontres qu'il réalise. Ce livre me paraît relativement inconnu, je lui trouve pourtant des qualités réelles sur un thème très classique, celui de la maladie, de la peur qu'elle génère, de l'abandon de toute volonté et du sens profond de la vie.
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Enfant, j'avais passé de nombreuses vacances à la montagne. La silhouette de ces chaînes en hiver, les contours, les surplombs, les arêtes, le mystère et la sensualité de ces pics. Souvent, nous marchions dans la neige, chaussés de raquettes. Le soleil inondait l'espace, des bouquetins se laissaient entrevoir au détour d'un vallon. Plus rarement un aigle survolait les falaises, les ailes parfaitement déployées. Son vol était interminable, d'une fascinante lenteur. Nous montions durant des heures, la vie s'amplifiait en même temps qu'elle me semblait ralentir. Des nuages s'accrochaient aux sommets puis se dissipaient, plus bas. Les skieurs descendaient les pistes tels des insectes aux trajectoires impertinentes.
Dehors, sur le boulevard, passaient des jeunes femmes au physique banal. Par dizaines, elles longeaient les terrasses de Saint-Germain et se dissolvaient dans l'espace parisien, éphémères. Leurs visages communs me ravissaient. Parfaites, interchangeables, elles passaient sans me voir, s'avançaient souvent songeuses. L'ennui, me disais-je, l'ennui, la facilité de leur compagnie, et cela aussi m'attirait.
La mémoire constituait bien l'enjeu, mémoire de l'être aimé, de la femme que l'on côtoie, des centaines de nuits passées corps contre corps, deux sommeils parallèles. Mémoire de la vie à deux, de la vie avec les siens, mémoire de sa propre existence, de tout ce qui mène à maintenant, coincé dans les bornes imaginaires de l'éternité.
La présence des infirmières m'apaisait, leurs jambes nues me rappelaient la vie, l'existence des prés, des forêts. Le murmure des médecins aussi me séduisait, leurs brèves apparitions dans les chambres, leurs gestes, leur pas dans le couloir.
La vie se déroulait, insignifiante et précieuse. Et ce fut lors de ces fins d'après-midi atones que je réalisai que mon futur ne serait sans doute que cela: une enfilade de moments creux, dont l'anorexie irait jusqu'à me combler, m'emplir.