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Citations sur Bons baisers de la grosse barmaid (20)

UNE CÉLÉBRITÉ

Ce soir j'ai rencontré à Paris une célébrité de la télé française
qui fait toute une histoire de mon art
dans ses e-mails
et
elle est friquée
elle a couché une fois avec Sartre et
notre rencontre a plongé sa nature passionnée dans le ravissement

déclare-t-elle

Elle va jusqu'à me citer une de mes brillantes conneries
en traduction française

Certes je suis toujours partant pour bouffer gratos
seulement
le moment venu
juste après le dessert
elle attend de moi un commentaire fulgurant
sur la poésie
ou la littérature du XXe siècle
ou ce qui m'a plongé pendant des années
dans la folie et le désespoir
et conduit à me retrouver avec un goût de canon de flingue rouillé   
dans la bouche

Qu'est-ce que j'en sais ?

Et la princesse de la télé a l'air blessée
écoeurée
et renonce j'en suis conscient
au projet de me mettre dans son pieu
mais c'est bon
on n'en mourra pas
ma médiocrité et moi

On
a
encore notre prix
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VIVE L.A.

Aujourd'hui
j'ai raccroché
après avoir parlé scénario pendant une demi-heure
avec un producteur de L.A.

et
j'ai senti mon coeur cogner dans ma poitrine

Qu'est-ce que c'est que ce cirque ? je me suis demandé
Bon Dieu de chiottes qu'est-ce que ce foutu connard a essayé de me
fourguer ?
Je n'en avais pas l'ombre
d'une idée

Tout ce que je sais
c'est qu'il n'y a rien de plus dénué d'âme de Dieu sur cette
planète
qu'un producteur de Hollywood

J'aimerais encore mieux rencontrer mère Teresa shootée au crack avec
un pic à glace dans chaque pogne

Oooh doux Jésus écoute ma prière préserve-moi de ces
Enculésdeleursmèresdebouffeursdemerdesdechiens
dénués d'âme
sauf
évidemment

le jour de la paie
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JAMAIS CONTENT

J'en ai toujours voulu
plus

J'avais à peine rempli
un verre
que déjà
j'en voulais
un autre

jusqu'à ton arrivée
à toi
toi

Un regard
sur
toi

et mon coeur s'est noyé dans une rivière d'étoiles
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Je veux dire
au prix que ça coûte
franchement quel est l'intérêt de jeter un putain de portable contre
un mur pour le regarder exploser en mille morceaux ?

Je veux dire ça suffit les enfantillages...

EH BIEN L'INTÉRÊT BORDEL
C'EST QUE ÇA FAIT DU BIEN
— LE VOILÀ
LE PUTAIN
D'INTÉRÊT ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! !
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LE 15 JUIN 2006

En ouvrant le message de mon frangin Jim
j'apprends qu'il m'en veut à mort
de ce récent article du L. A. Times
sur le vieux et moi
alléguant que John Fante
non content de picoler
était un con dépressif – un taré
un enragé

On dirait que pour changer
« T'as flingué sa réputation »

Jim est nettement plus jeune que moi
il était pas dans les parages
à l'époque d'avant le diabète et le sevrage
quand le paternel faisait péter ses feux d'artifice vers le ciel
Il ne s'est jamais rendu compte des dommages collatéraux
il a jamais vu p'pa pisser sur le tapis du salon
ou se bananer dans la table basse
ni se viander contre un arbre

Pour le frangin Jim
John Fante était un papa gâteau de sitcom
un entraîneur de base-ball catégorie minimes
un golfeur de première bourre
un prince

un mec vraiment réglo

Ben ouais c'est ça t'as raison

Et moi
je suis
le putain
de roi
de Siam
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LE 24 MAI 2004

Eh bien m'y voilà

nom de Dieu !

Finalement
à mon âge
UN AN !
d'improbable
d'impossible
et d'heureux mariage

Chaque matin
je me lève
je prends mon café et m'assieds devant l'ordinateur
pour partir dans mes délires.
en revivant vingt ans de folie presque fatale embouteillée en
entrepôt
tandis que toi
de ton boulot
tu me balances de temps en temps un e-mail
d'amour
ou de cul
ou de bonheur à l'idée que mon gosse te gicle bientôt du ventre

Et je me dis
mon Dieu
j'ai soixante balais
accorde-moi de mourir maintenant
avant que ça aussi je ne le foute en l'air

Jamais rien d'aussi bon ne m'était arrivé

En même temps je sais bien que j'en voudrai toujours
plus
plus
plus
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LE 04 JUILLET 2006

Il y a des jours où je crève de trouille

qu'en te réveillant tu réalises que ton mari
est un demi-mort
voué à brève échéance aux allocs de la sécu

et qu'en allant au garage par un après-midi poussiéreux
je n'y trouve pas ta bagnole
et que
toi
et notre enfant et mon compte bancaire et mes tripes et mon coeur
tout ça se soit envolé
emballé c'est pesé
sur une route de l'Arizona brûlée par l'été
en compagnie de Bob l'étalon
à la dentition comme au T-shirt étincelants
qui te déshabille toujours des yeux
en bourrant ton sac de pain et de lait
au supermarché
Safeway

La trouille de te voir retourner à L. A.
ou New York
vers cette carrière de comédienne que tu as sacrifiée pour moi

Après tout... pourquoi pas ? je suis caractériel
prétentieux
buté
susceptible
et j'ai pas confiance en moi

Un looser

vidé
nul
fini

Pour ainsi dire tout ce que j'ai fait a été de seconde zone
sauf
t'aimer
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MELROSE AVENUE, QUATRE HEURES DU MATIN

Du sang partout
sur le siège de la bagnole
sur le plancher

et moi
encore à moitié bourré
impuissant paniqué désespéré
qui répète des conneries du genre « Tu vas t'en tirer
t'inquiète on y est dans une minute
— accroche-toi bon Dieu »

et le sang qui pisse toujours

Ta chemise et ton froc trempés de sang
et ta figure toute blanche – comme de la porcelaine
tu viens de gerber ton foie sur le plancher de ma caisse

« Accroche-toi nom de Dieu ! Tu vas pouvoir t'accrocher ? »

« Je m'accroche enfoiré... accélère ! »

Cette amitié de tant d'années
de tant d'amour et de mensonges
et de jours et de nuits ensemble
vient enfin de chavirer
dans cette ultime virée inconsidérée inconsciente à travers Hollywood

« OK... OK... On y est... Tu m'entends ? »
Avant qu'ils t'embarquent sur le lit à roulettes
je pose mes lèvres sur ton visage

Je réaliserai
plus tard
que je n'ai pas pris le temps de te dire au revoir
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CHANGEMENT

La douleur
— mon plus grand mon plus fort mon seul vrai professeur

De boulots fusillés en bagnoles bousillées
de divorces en prisons
sans oublier les relations genre opération commando
avec des garces givrées
rien
ne m'a jamais autant démoli
que
mes propres choix malheureux
ma propre brutale
négligence mon
abyssale
stupidité
Aujourd'hui ce n'est pas tant que j'aie cessé d'être alcoolo
ce n'est pas ça

C'est seulement que j'ai appris
à arrêter les frais
et faire la différence de tarif
sans adjuvants
entre un drapeau
blanc
et un drap mortuaire
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FOUTEZ-MOI LA PAIX

Ce putain de téléphone n'en finit pas de sonner
ni les gens – ouvriers voisins Dieu sait qui de frapper à ma porte pour
demander ceci cela
Dieu sait quoi
Ma poupée me laisse un mot
« N'oublie pas de porter mes bottes chez le cordonnier ni de mettre les
draps du bébé dans le sèche-linge »
Et moi bouclé là
acharné à écrire pour donner un sens à l'ancienne folie après toutes ces années de régime presque sec
brusquement je réalise
qu'un petit coup un SEUL – un petit verre du matin pourrait calmer un
peu le jeu
un SEUL
Un SEUL verre
j'en suis bien conscient
c'est tout ce qui me sépare des ténèbres de l'asile d'aliénés
Et pourtant il y a des jours
où un verre
un SEUL
putain
ferait
teeeeeeellement de bien
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