en la voyant revenir avec deux paquets, je comprends : elle est bien en peine pour habiller la "fille-garçon du Capitaine de la foudre" ! Elle commence par étaler devant moi une longue robe multicolore semblable à la sienne, assortie d'une multitude de bracelets, de colifichets, de bijoux. Devant mon air dépité, elle déploie son plan B, une panoplie complète de jeune homme, conquise de haute lutte sur quelque frère ou cousin.
- Je ne te l'ai pas dit mais, il y a quelques jours, j'ai eu dix-huit ans. Je suis majeure, maintenant. Je peux régner. Je peux devenir reine et je ne me laisserai pas spolier. Je dois rentrer dans mon pays.
Dotchin se tait. La nuit est tombée. La volte qui nous entoure éclaire la scène d'une lueur irréelle.
- Alors je viens avec toi. Elle ne répond pas. Elle n'a pas entendu ou quoi ?
Un tas de trucs inutiles me défilent dans la tête à toute vitesse. Mon avenir gâché par les technocrates et leurs tuyaux, les yeux langoureux du gandin posés sur Dotchin, un nouveau pays de neige et de steppes. Une autre vie.
- Je viens avec toi.
Elle a entendu. A la lueur de la volte, les dents de ma princesse brillent soudain d'un bel éclat bleu.
Mes veines charrient de la lave en fusion, j'ai la tête comme un melon de concours et l'impression d'avoir signé comme petit mousse à bord du Bateau ivre, mais au moins je me rappelle qui je suis.
Elle se laisse tomber sur l'herbe fraîche et s'étire avec délices. Je la rejoins. Je ne ressens plus la moindre gêne. Nous laissons le soleil nous réchauffer. Après les cris et les rires, le silence reprend ses droits. Un coucou lointain, les premières abeilles qui bourdonnent à nos oreilles, la brise qui joue dans la cime des arbres et mon cœur de vivante.
La suite n'appartient qu'à nous.
C'est que je n'ai pas trop l'habitude d'égorger les factionnaires, moi. C'est ça qui nous mine dans ce pays : il y a trop de factionnaires.