Alecto : L'Oeuf de l'immortel

Du romanesque qui tient en haleine son lecteur sans l'essouffler, du fantastique old touch, un hommage à peine caché à Adèle Blanc-Sec, des aventures féminines comme Yann Fastier les affectionne. Celui-ci inaugure ici une série, qui s'annonce pleine de rebondissements, en s'appropriant de nouveau les codes d'une littérature de genre. Cette fois c'est le roman populaire, le roman à trois sous, le roman de gare qu'il décape avec brio et subvertit en douce. À croire que s'il se piquait de nous confectionner un indicateur de chemin de fer, il trouverait encore à nous divertir, car nous avons bel et bien affaire à un maestro !

Après avoir lu le Renard et la couronne, un peu déçue, je n'ai pas voulu en rester là, pour lui donner une autre chance. Or, ce roman partage avec lui plusieurs points positifs et travers. Je crois donc que je ne laisserai plus tenter… dommage.

+ Des héroïnes fortes et indépendantes au sein d'un siècle qui ne leur est pas favorable (début XXe, Paris).

- Des ficelles trop grosses et faciles agrémentées de certains lieux communs.
Par exemple, Sasha, la tutrice tombée du ciel, nommée par la lettre du grand-père envoyée dans le plus grand secret avant sa mort, grand-père qui a rencontré Sasha lors d'un événement on ne peut plus fortuit – mais voyez-vous celle-ci l'a suffisamment marqué pour qu'il en fasse la tutrice de sa petite-fille – tout cela est assez abracadabrantesque.
Par exemple, le journal de grand-père qui tombe à pic pour en apprendre davantage à l'héroïne et au lecteur - comme par hasard, un autre personnage le cherche activement et secrètement (enfin, tout du moins essaie, sinon ce n'est pas drôle) le lendemain ; on en a donc eu connaissance pile au bon moment, tiens donc.
Par exemple, le fait que le titre du livre soit le titre de l'histoire écrite par l'héroïne principale. Peu original.

- le rythme qui s'accélère aux dépends de la profondeur de l'histoire. le début paraît assez lent et survolé tout à la fois ; je retrouve l'espèce d'impression de résumé que j'avais déjà eu dans le Renard et la couronne.

+ J'ai davantage accroché à la fin, lorsque les personnages sont coincés dans une sorte d'entre-monde et que nous pénétrons plus profondément dans l'univers des contes russes. J'ai bien aimé ce qu'a dit Sidonie au sujet du Corbeau, « le tuer, c'était encore enlever une part de rêve à ce monde… ».

Le roman se lit facilement (ce n'est pas tout à fait un compliment ici) et pourra aisément convenir à de jeunes lecteurs.

J'aurais décidément eu beaucoup de mal à lire ce roman. le résumé me plaisait pourtant, avec une intrigue s'inspirant des "romans à deux sous" qui fleurissaient à la Belle Époque. Hélas, j'ai trouvé le début de l'histoire trop précipité, le milieu un peu laborieux et la fin peu convaincante. Les personnages, féminins comme masculins, principaux comme secondaires, m'ont semblé trop stéréotypés. Sidonie et Sasha n'ont pas su m'emmener avec elles dans l'aventure de l'oeuf de l'Immortel, un personnage qui n'est pas sans rappeler un certain Comte Dracula... le fil de l'intrigue est difficile à saisir et semble finalement un peu tiré par les cheveux.

Cette lecture a été une déception pour moi mais je suis néanmoins très reconnaissante à Babelio et aux éditions Talents Hauts de m'avoir généreusement envoyé ce livre afin de me forger une opinion.

Yann Fastier auteur contemporain nous sort un roman d'un autre temps avec une Sidonie qui pourrait très bien être la soeur jumelle d'Adèle Blanc Sec, car elle vit dans un Paris de la fin du XIXeme siècle, vit des aventures fantastiques et écrit des romans qui sortent sous forme de feuilleton. Si ce premier tome met les bases des personnages que l'on va pouvoir suivre dans les tomes suivants, chaque tome racontera une aventure différente de Sidonie. Yann Fastier fait revivre un genre littéraire un peu tombé dans les oubliettes mais qui finalement peut tout à fait trouver sa place aujourd'hui. Que c'est bon de trouver des textes qui ne correspondent pas aux standards de notre époque.

Un premier tome qui parvient avec succès à créer et à tenir le fil d'une histoire romanesque à souhait, qui frise avec le fantastique et l'ambiance rétro parisienne façon Adèle Blanc-Sec dont une référence à peine déguisée donne le ton.
J'ai regretté par moment quelques lourdeurs comme l'accent de l'héroïne russe systématiquement rendu dans le texte à lire, ou que la montée en tension et la découverte de l'intrigue mystérieuse du corbeau tueur ne soit pas davantage déroulée, fignolée. J'ai eu le sentiment que l'intrigue partait un peu en vrille à la fin, mais je referme ce livre avec le sentiment d'avoir vécu une aventure accrocheuse.