Nous attaquons l'aventure de danxomè.
Nous entrerons dès les premières pages sur une histoire de colonies, de dépendances économiques et d'indépendance politique.
Cela pourrait paraitre assez étrange pour certains jeunes lecteurs d'imaginer une part de l'Afrique comme un territoire de la France et juste à côté (près du Bénin) un territoire anglais et un autre allemand. Chacun y était vraiment venu chercher sa part. Nous sommes à la fin du 19ème siècle.
Les lecteurs ados d'aujourd'hui seront sans doute peu familiers de cette conception "coloniale", de cette annexion par la force. Il y a heureusement des récits historiques nous renseignant sur ces époques de grandes extension à l'internationale, celles des conquètes de Napoléon par example, au début du 19ème siècle, ou bien avec l'Algérie à la même époque, une colonisation qui ne prendra en définitive fin qu'en 1962, le siècle suivant.
Ce sont de drôles de moeurs. On ne reviendra pas sur les avantages économiques certains, mais en revanche, pourriez-vous vous imaginer, jeunes lecteurs, à l'identique et en France par exemple, sous un joug anglais, chinois ou même africain, nés sur cette terre et assujettis comme un citoyen de dernier plan?
Certains d'entre nous pourrait être même vendus pour offrir à d'autres pays associés de la main d'oeuvre.
C'était une autre époque, vraiment, elle pouvait être bénie mais tout dépendait de quel côté le destin nous avait placé.
Nous serons, dans le récit de " danxomè", vers le Bénin, sous l'autorité française, à la fin du 19ème siècle.
Notre premier héros est fils de médecin, un jeune homme blanc grandi dans la rudesse de l'autorité à poigne, un "gars" de la marine.
Le jeune personnage, Alexandre, mettra d'emblée l'accent entre l'éducation virile qu'il a reçu et sa vraie nature bien moins butée, fier de son supplément de tact, de plus de sensibilité et de manières que le moule original.
Mais Alexandre sera t-il de la sorte, un homme, un vrai?
Alexandre prendra les choses avec distance et ne les subira pas. Il nous donnera un peu l'impression de pouvoir choisir qui il veut être.
À la lecture, choisir qui l'on veut être à cette époque coloniale nous semblera très relatif, les poids des sociétés seront très lourds.
La période est particulière et pour la comprendre, le plus finement possible, l'auteur
Yann Fastier nous fera entendre par alternance une autre voix, celle d'une femme, africaine, donnée au chef de cette campagne du Dahomey, le roi Béhanzin, vers laquelle se dirige Alexandre.
Agosì, c'est son nom, nous montrera les choses de son point de vue, l'autre bout de la chaine alimentaire, la place des soumis des soumis, ceux et celles capturés et devenus esclaves selon les lois du pays. Il n'y avait pas encore, chers jeunes lecteurs, en 1892 d'organisations internationales et d'aides extérieures possibles autour du respect de la convention des Droits de l'homme.
C'était une époque où ce qui se passait à " Végas, restait à Végas" comme l'on dit familièrement ( nous vous renverrons vers des lecteurs matures pour vous renseigner sur cette expression pour adultes).
Cet aspect permettra aussi et ainsi de nuancer le problème d'ingérence souvent soulevé et reproché aux autorités extérieures sur des territoires étrangers de nos jours.
Mais retour vers 1892.
Le contingent militaire d'Alexandre est envoyé de France pour remettre le roi Béhanzin " au pas" comme certains diront dans le roman.
C'est une guerre qui se prépare.
Agosì, dont le père fut dépouillé de ses biens et exécuté sommairement sous ses yeux, finira dans les rangs des 50 femmes et filles au service de la communauté du roi Béhanzin, un nouveau bien, pour le plaisir ou la guerre.
Les femmes entrainées du roi peuvent être très redoutables, dit-on.
Le roman nous parlera d'une réputation légendaire dès les débuts du roman.
Certains jeunes lecteurs ne pourront s'empêcher peut-être d'avoir une pensée pour des personnages fictifs existant à l'identique, celles du Comics Marvel édition " Black Panther", les "amazones" d'ébène sur-entrainées de l'imaginaire royaume africain du Wakanda, les "Dora Milaje".
Leur statut et leur traitement n'aura hélas rien à voir avec celui de Agosì.
Nous comprendrons facilement que si ce texte est sorti sous la collection féministe " Les héroïques" de Talents hauts, c'est en partie pour parler de ce statut rude et sans respect de la femme aux ados.
Mais pas que.
Nous entrerons dans une autre culture.
Le pendant plus masculin des points de vue offerts par Alexandre permettra aussi d'offrir un autre profil masculin au livre, complémentaire de celui du militaire pur et dur, du colon bourgeois au racisme ordinaire ou du roi noir indélicat dans ce double univers blanc et noirs dirigé par l'intimidation et la force. Alexandre est ici aide-médecin mais surtout militaire, il sera pourtant aussi empôté que Agosì est dégourdie avec une arme et ceci, entre autres choses, cela permettra de défier les clichés.
Vous verrez, il y aura les règles de société auxquelles il est dur d'échapper mais il y aura également sous cette couche rigide la simple nature des personnages bienveillants et la nature est plus fine, passionnante, elle ne se plie pas toujours facilement.
Alexandre et Agosì en seront un bon exemple.
Les deux offriront l'aventure mais aussi des tons et des sensibilités différentes.
L'histoire est difficile mais enrichissante.
Et ça, c'est intéressant.