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Critique de Arimbo


Il y a plus de 40 ans, j'avais fait une première tentative de lecture de l'oeuvre de Faulkner par Sartoris, que l'on me conseillait pour débuter.
Mais, au bout d'une centaine de pages, je m'étais senti perdu dans les méandres de l'intrigue au point de quitter ce livre. Depuis mes incursions dans le monde faulknérien se résument aux lectures plutôt fructueuses de plusieurs nouvelles, dont j'avais apprécié la puissance évocatrice , l'âpreté, et aussi la beauté de l'écriture.

Il fallait que j'essaie de revenir aux romans de cet immense et difficile auteur, et, encouragé par les superbes critiques de certain.e.s de mes ami.e.s babeliotes, et d'autres, j'ai pensé que j'avais suffisamment avancé en « maturité littéraire » pour tenter l'aventure avec ce roman réputé un peu plus facile que le bruit et la fureur. Et j'ai été comblé. Un chef d'oeuvre, un livre magnifique, et d'une telle puissance, d'une telle beauté.
Et, comme chaque fois, je réalise que radote, il m'a fallu du temps pour « métaboliser » ce texte, car un chef-d'oeuvre comme celui-ci inspire tant de réflexions qu'il en est quasiment impossible d'en faire le tour.

Alors, je vous livre quelques idées et impressions dans cette modeste chronique, bien loin du niveau stratosphérique qu'est par exemple celle de mon ami creseifiction, mais on fait ce que l'on peut.

D'abord pour dire que cette histoire est certes marquée par cette atmosphère oppressante du Sud des États-Unis, un Sud violent, puritain, raciste et misogyne, mais qu'elle a une dimension tragique universelle. Ce roman noir a des airs de tragédie grecque dans laquelle un destin implacable poursuit les protagonistes, au premier rang Joe Christmas, aux initiales si évocatrices, enfant abandonné, métis né de père inconnu, brutalisé dans son enfance, dont la perte semble écrite d'avance.
Mais au sein de cette violence parfois insensée, passent aussi deux êtres pleins de bonté, le « couple » Léna et Byron, une sorte d' allégorie biblique de Marie et de Joseph. Une Léna sereine et obstinée qui donnera naissance à son enfant durant le cours du récit, un Byron toujours attentif aux autres et si dévoué.

Mais surtout, ce qui est absolument extraordinaire, et ce qui fait le chef-d'oeuvre, c'est la façon dont l'histoire est construite et écrite.

Car trois trames narratives se mêlent subtilement:
Celle de Léna, qui ouvre et ferme le récit, Léna partie à la recherche de l'homme qui l'a mise enceinte, ce Lucas Burch masqué en Joe Brown, homme instable, paresseux et lâche, qui trouvera dans le besogneux et timide Byron Bunch une sorte de chevalier servant.
Celle du révérend déchu Hightower, homme tourmenté par son passé et celui de ses ascendants mais capable de bonté
Et surtout celle de Joe Christmas dont la vie passée pleine de souffrances causées par la violence des autres occupe toute la partie centrale du récit.

La construction du roman disloque le temps, passé et présent se mêlent, comme si tout était déjà écrit, mais aussi donne une impression de révélation au fil des pages et des phrases. A cette impression de récit progressivement éclairé, dévoilé, contribue la manière si subtile de raconter, soit par un narrateur «omniscient », soit par l'un des personnages, soit même par un personnage extérieur à l'histoire. Une manière de faire le récit, fascinante, incomparable.

Et puis il y a cette façon de dire ce flux de conscience, de nous plonger dans le flot des pensées qui traversent, envahissent les esprits, qui fait aussi la complexité et la beauté du récit. Et le lecteur comprend que ce n'est pas pour le plaisir de faire vrai, mais pour exprimer l'essence de ce monde de la folie et de la misère des humains.

Et enfin, il y a la beauté des mots employés, qui nous donnent à voir, à sentir les paysages, l'atmosphère étouffante des villes, et toute la magie des ellipses, des non-dits.

Bon, je m'arrête, impossible de tout dire, il y aurait à parler de la malédiction du « sang noir », de la misogynie, etc.. et ce serait trop long.
Aux lectrices et lecteurs exigeant.es de Babelio, je ne peux que conseiller ce livre majeur.
En ce qui me concerne, the question is: par quel autre roman poursuivre mon exploration de l'oeuvre? Évidemment, il y a l'incontournable et semble-t-il difficile le bruit et la fureur, dont récemment mes ami.e.s Hordeducontrevent et Berni29 ont fait des critiques affûtées. Ou revenir à Sartoris qui traîne quelque part dans ma bibliothèque? Je ne sais encore.
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