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Critique de Meps


Un auteur peut-il cesser d'écrire sur ce qu'il connait le mieux: William Faulkner sur son comté fictif de Yoknapatawpha qui représente le Mississipi, John Irving sur la lutte et les ours, Bernard Werber sur la science et la religion ou Christine Angot sur elle-même (c'est même pas une blague !).

En tout cas, ici Faulkner nous offre une échappée inédite vers l'Europe. Et par n'importe quelle Europe, une Europe en pleine guerre mondiale. Tout en se délectant de voir ce que le maître va en faire, on se questionne forcément. Pourquoi quitter le Mississipi ? Pourquoi évoquer cette période si sensible ? Là encore, il faut chercher chez l'homme l'inspiration de l'auteur. Faulkner aurait rêvé de participer à cette guerre comme jeune aviateur. Il est arrivé trop tard, juste au moment de la fin des combats et n'a pas même pu faire une sortie... alors qu'il racontera à son retour des affrontements homériques avec des Fockers allemands. Il voulait déjà écrire des légendes. Un des personnages du roman, un aviateur anglais lui aussi frustré est d'ailleurs un autoportrait très drôle.

Oui Faulkner a de l'humour... en tout cas moi je le discerne dans l'horreur habituelle. La scène de négociation secrète entre les chef des armées allemandes, anglaise, américaine et française est pour moi un must, ou vers la fin avec des soldats qui vendraient leur mère (ou un mort dans la circonstance) pour une bouteille de gnole.

Mais l'humour n'est pas l'élément essentiel de ce roman. Il est dans cette Parabole (ou Fable en anglais qu'annonce le titre) où Faulkner s'amuse avec l'histoire du Christ, l'adaptant à l'époque tout en la respectant. Cela lui permet de faire s'opposer religion et humanité, besoin de faire la guerre des élites et aspiration de la masse à la paix. Comme souvent, c'est grinçant, ardu à suivre, réaliste grâce à ce "courant de conscience" tant travaillé par l'auteur tout au long de sa vie. le livre a d'ailleurs été commence en 1944 (à la fin d'une autre guerre où Faulkner s'était engagé dans la défense passive des populations) et s'achève en 1954, en faisant un des derniers romans de l'auteur (si on exclut notamment la fin de la trilogie des Snopes). Faulkner a donc attendu de maîtriser parfaitement son art pour s'atteler à la tâche de parler de la fin de cette guerre terrible à laquelle il n'a pas pu prendre part.

Sans doute parce qu'il fallait qu'il puisse à la fois évoquer la frustration d'une jeunesse combattante qu'il a pu lui-même ressentir et la sagesse des ancêtres qui savent que même si elle semble morne, la paix devrait être le but ultime, sans doute utopique, de chaque homme qui recherche le bonheur.
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