Supervielle, La rêverie et le chant dans Gravitations.

À chaque fois un système cohérent se constitue autour d’un centre, une attirance se manifeste qui règle harmonieusement les rapports entre les choses. Or mettre ce terme de gravitation au pluriel implique l’existence de plusieurs systèmes autonomes, que rien ne relie. Le monde ne possède pas de centre principal ; les êtres et les choses ne sont unis par aucune force qui les attire et leur impose une cohérence. Dépourvu de centre unificateur, le monde se disperse en fragments disjoints ; l’espace se trouve alors privé de références qui lui donnent un sens et il inquiète, le temps devient alors insignifiant et il fait naître le vertige. Perdu entre ces éléments désunis et ces gravitations multiples et désordonnées, le poète éprouve un malaise profond ; désemparé et sourdement angoissé, il ne parvient pas à trouver sa place dans un monde qui devrait être un cosmos, autrement dit un ensemble organisé et harmonieux, mais qui en réalité s’éparpille sans trouver son unité.