Citations sur Le roman de Saint-Pétersbourg : Les amours au bord de l.. (8)
Quand votre fils sera mécontent en France, usez de ma recette, dites-lui « Allez en Russie ». C’est un voyage utile à tout étranger, quiconque a bien vu ce pays se trouvera content de vivre partout ailleurs. Il est toujours bon de savoir qu’il existe une société où nul bonheur n’est possible parce que, par une loi de la nature, l’homme ne peut être heureux sans liberté.
Ainsi Tourgueniev donna-t-il son cœur à Pauline sans jamais le .reprendre.
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« Quand je ne serai plus, lorsque tout ce qui était en moi sera dispersé en poussière. À l’ami absent tends cette main. Je ne pourrai la serrer dans la mienne : ma main, inerte, sera sous la terre. Mais aujourd’hui il m’est doux de penser qu’alors peut-être, tu sentiras une caresse légère effleurer ta main. Et tu me verras, et des larmes couleront de tes paupières closes, comme celles qu’autrefois, tous deux émus par la Beauté, nous avons versées ensemble, ô toi, mon unique amie, toi que j’aimais d’un amour si tendre, et si profond. »
Grand charmeur, Alexandre, en jetant les yeux sur la comédienne, ne cachait pas qu’à son auguste désir s’ajoutait une curiosité d’ordre historique. En effet, après la rencontre de Tilsit, il lui plaisait de se mesurer à l’autre empereur, celui qui recevait la jeune actrice dans la bibliothèque de Compiègne. Il alla même, dit-on jusqu’à laisser échapper ce mot : « Je voudrais goûter l’eau au puits même oû mon rival s’est désaltéré. »
« Ici, mentir c’est protéger la société, dire la vérité c’est bouleverser l’Etat. » Et encore, dans la capitale russe, « mentir c’est faire acte de bon citoyen, dire la vérité, même sur les choses les plus indifférentes en apparence, c’est conspirer. Vous perdez la faveur de l’empereur si vous avouez qu’il est enrhumé du cerveau. La vérité, voilà l’ennemi, voilà la révolution ; le mensonge, voilà le repos, le bon ordre, l’ami de la constitution, voilà le vrai patriote !… »
Homme des Lumières, Pouchkine scella l'union de l'esprit entre deux siècles, le XVIIIè qui l'inspira et le XIXè qui le façonna. A cette fusion, s'ajoute une autre dimension : le plus grand des écrivains russes fut aussi le plus français. En effet, celui qui exprima au plus haut point la perfection de la langue nationale, la moulant dans une prose et une poésie admirables, fut également celui que ses condisciples surnommaient "le Français".
Pour les dames du monde de la capitale de l'empire des tsars, le russe était encore une sorte de patois indigne de leurs salons et de leurs boudoirs. On allait au théâtre français ou au théâtre italien, mais le théâtre russe était bon pour les nourrices.
Le 16 août, au petit jour, à la lisière d'un bois, Goumilev tombait sous les balles, le chapeau sur les yeux, une cigarette aux lèvres, devenant dans l'opinion russe le symbole des martyrs des bolcheviks, si bien qu'à l'annonce de son exécution dans les rues de Petrograd, les passants effrayés dirent :
"Ils ont même osé faire cela. Massacrer la poésie !"
A la pointe du jour, terminées les discussions, on lisait des poésies. Blok lui-même déclamait les siennes. Dans sa longue redingote, la cravate molle nouée avec une nonchalance étudiée, nimbé de cheveux d'or cendré, il était alors dans les années 1906 ou 1907, l'incarnation même d'une beauté romantique. Lentement, il s'approchait d'une table éclairée de bougies, regardait tout autour de lui avec des yeux de pierre, restant de marbre tant que le silence n'était pas absolu; et il attaquait, tenant la strophe avec une maîtrise tourmentée, ralentissant à peine à la rime. Il avait la diction ensorcelante, et lorsqu'il finissait une poésie, sans un changement dans la voix, d'un seul coup on avait l'impression que ce délice avait cessé trop vite et qu'il fallait encore rester à l'écoute.