Il a d'abord fallu que je gagne le droit d'être comme tout le monde pour ensuite gagner le droit d'être moi-même. (p.19)
Le regard des hommes dans la rue est une atteinte à la liberté. A toi d'y échapper en restant en prison. Tu vois le paradoxe, hein ? (p.148)
Je me rappelle que, la veille de mon départ, ma mère m'avait mise en garde d'une manière assez obscure, que je n'avais pas bien comprise sur le moment. Elle m'avait dit :
- On va te poser des questions sur notre vie ici. Sois honnête, mais ne raconte pas nos difficultés et la misère des gens comme nous... Oublie ça pour parler des bonnes choses.
- Pourquoi, Mà, pourquoi ? lui avais-je demandé.
- Parce qu'ils ne comprendraient pas qu'on reste en acceptant... tout ça ! Elle avait hésité avant d'ajouter : ... Et aussi parce qu'ils penseraient qu'on a quitté le pays pour être plus heureux... et qu'on a échoué. (p.122)
- On commence par constater... Et on finit par croire qu'en supprimant les conséquences, on s'attaque aux causes, refrain connu... (p.89)
Le racisme, je connais assez bien. Je me le suis injecté toute seule, pendant des années, sans même m'en apercevoir, pour rester dans les normes de l'intégration. (p.61)
J'ai grandi sans jamais penser à l'Algérie autrement que comme une province d'origine très lointaine. Un peu à la manière des Parisiens de naissance quand ils pensent à la Bretagne ou à l'Alsace des parents. (p.29)
Le jour où j'ai décidé de m'appeler Anne, c'était au lycée et j'entrais en seconde. (p.9)
La chronologie est importante pour comprendre comment je suis redevenue Sélima, après avoir été si fière de ma défroque d'Anne. (p.44)
Ma "certaine intelligence", dans la tête du conseil de classe, devait ressembler à une nappe phréatique très, très souterraine, perdue sous des couches et des couches de handicaps de toutes sortes. Mais ce sont précisément ces nappes-là qui font le bonheur des géologues-pédagogues à vocation... (p.10)