Dans un grand bol, tu mélangeras l'oignon, le bourghol et le sel, l'eau et la viande, et tu travailleras le tout jusqu'à ce que tu obtiennes une pâte souple, n'oublie pas de mouiller tes mains, ma fille.
Les nuits passeront, l'une poussant l'autre dans ses propres ténèbres, et je m'userai, jour après jour, je deviendrai mince et coupante, transparente,
jusqu'à m'effacer, à m'effondrer enfin, sans un bruit.
Les mûres sont sur le mûrier, et l'histoire est terminée...
C'était la loi, non écrite mais aussi présente et pesante qu'un couvercle de fonte : se taire, ne rien réclamer, ne susciter ni curiosité ni agressivité. J'apprenais vite.
Pour pleurer, il faut en avoir le temps, il faut être seul et laisser le chagrin venir. Et du temps, je n'en avais pas.
j avais envie de m arrêter. de pouvoir dire ou même juste penser, que j étais à ma place, un peu utile, un peu chez moi.
Acia
Pendant quelques secondes, j'ai eu l'illusion de me voir à distance: une jeune femme en train de penser au menu du dîner- une femme bien établie dans une vie paisible, une femme aux émotions aussi ordonnées que,dans ses armoires, les piles de linge héritées des mères, grand-mères et arrière- grand-mères. Baignée d' une lumière blanche, farineuse, presque lunaire. Une image tout droit surgie d'un passé idéalisé ou d'un tableau.
( p.100)
j'ai un solide appétit - une cuisinière dénuée de gourmandise est une cuisinière manquée .
Depuis longtemps – des années –, je parle et je pense en italien. Parfois, je rêve encore en français. Ces rêves ressemblent à des citernes ouvertes au ras du sol que je pourrais franchir d’un bond, mais le vide m’attire et je chute, inéluctablement. Tout au fond, un visage à peine formé affleure à la surface de l’eau noire. Je ne l’ai jamais vu, je ne lui ai pas donné de nom, et pourtant je le reconnais. Il émerge peu à peu et se presse contre le mien jusqu’à ce que je hurle de terreur.
Il sait où me trouver. Nuit après nuit.
Ce soir-là, je n’étais pas la proie d’un cauchemar. Bien trop occupée par une pensée étouffante comme la menace d’un orage d’été et aussi impossible à ignorer qu’un bâillon de tissu humide : Je ne sais pas où aller.
Le jour de ta mort seulement, ma fille, tu connaîtras le dénouement. Jusque-là, suis le chemin, il ne mène peut-être nulle part, mais comment le savoir ? Aie confiance, c'est tout. Il était une fois et peut-être il n'était pas. Suis le chemin.