Citations sur La Fille sauvage (61)
C'était une oasis pour toute vie alentour ; les animaux venaient y boire, trouver ombre et abri ; semblables aux jointures, aux veines et aux doigts ouverts d'une main d'homme, les canyons rocheux, les gorges minuscules et les autres reliefs s'épanchaient là naturellement. Au-delà, dominaient les immenses pics dentelés de la Sierra Madre, légèrement effacés par les brumes.
Vous arrivez chez nous , Oeil-Blanc, avec vos armées, vos fusils, vos canons. Vous nous volez nos terres, vous massacrez tous les Indiens qui encombrent votre route et vous parquez ce qui reste dans les réserves. Et ensuite vous nous demandez de nous battre loyalement?
Il ne restait plus que la niña et moi. Elle me regarda d’un air hésitant, puis vit le groupe qui s’éloignait.
Je dis : « Vete. Vete con ellos …
- ¿ No vienes conmigo, marido mío ?
- No puedo. Je ne peux pas.
- ¿ Porque no ?
Je dis : » Ven conmigo. »
[…]
Elle leva les yeux en direction des coups de feu et les reposa sur moi. Elle hocha tristement la tête : « No puedo » dit-elle. (p.428-429)
Ma propre race, tout comme les Mexicains, assassine les Indiens depuis des siècles. Combien de bébés indiens, par exemple, ont ils été massacrés par nos soldats ? Seules les atrocités des rebelles sont qualifiées de crimes. Alors que celles des conquérants, ceux qui écrivent les livres d'histoire, sont reconnues comme nécessaires, héroïques même.
L'Indienne courait avec agilité, silencieuse comme une âme, ses pieds nus effleurant seulement les rochers. Ses orteils projetant de courts jets de sable dans le ravin. Bien qu'épuisée, affaiblie par la faim, elle avait encore tout son souffle
« La nina bronca, pauvre petite créature affamée, lovée en position fœtale sur les dalles en pierre d’une cellule mexicaine, son corps nu traversé par l’ombre des barreaux qui dessine sur elle l’uniforme d’un forçat. » (p. 177)
Nous avons toujours su qu'il y avait des In'deh au Mexique. Certains pensent que ce sont des esprits d'anciens guerriers et, pour cette raison, ils les appellent le peuple fantôme. Ceux des réserves les craignent. Il est arrivé dans le temps, que les jeunes s'échappent pour les rejoindre. De ceux-là, on n'entendait plus parler. Parfois des femmes ou des enfants disparaissaient. Il s'évanouissaient dans la nuit et on raconte que les esprits les capturaient pour les ramener au vieux Mexique. Personne n'a jamais su si c'était vrai, car personne ne les a jamais vus, ces In'deh-là. C'était comme des fantômes circulant parmi nous, dont tout le monde avait peur.
Vint le moment où la ninia me choisit pour danser. Plus grande que les autres filles, elle dansait avec légèreté, comme d'habitude, ses jolis orteils semblaient à peine toucher terre.
Jusqu'à la fin de sa vie, jamais il n'allait oublier comment, pendue, à son crochet sur un mur de la grange, cette petite l'avait regardé ce matin là. Jamais il n'allait oublier les trilles joyeuses des oiseaux dans le calme frais du printemps. Jamais il n'allait oublier cette enfant, qui, au bout de sa jeune vie, fondues dans la brutalité de ses dernières secondes, avait vu les horreurs plusieurs fois séculaires d'une guerre entre les races, menée au nom de dieux abjects et dépravés, ces dieux qui permettent aux humains de massacrer les gosses de leurs ennemis. D'un regard calme et fixe, elle scrutait les yeux de Goso avec un air de...pitié. Et de pardon. Comme pour s'excuser, elle sourit et tendis les bras pour qu'il la pose par terre. Il la décrocha et voulut l'installer sur son cheval. Alors, très tendre, elle lui passa ses bras légers autour du cou et elle mourut.
Je repensai à haute voix : " Tu as tué des soldats, là-bas ? ". Je me demandai aussitôt pourquoi j'y attachais de l'importance. Étais-je en train d'essayer de "civiliser" ma nouvelle amie, qui ne voit rien d'immoral, sans doute, à écorcher ses ennemis ? Avais-je besoin d'être rassuré, de la croire incapable de commettre de tels actes, ma féroce petite guerrière ? Capable, elle l'est, bien sûr. Qu'est-ce que ça change ? Le fort élégant Carillo, instruit, bien élevé, avec son bel uniforme et ses cheveux pommadés, tuerait Chidèh sans hésiter à la première occasion, il la scalperait même pour quémander sa récompense. Ma propre race, tout comme les Mexicains, assassine les Apaches depuis des siècles. Combien de bébés indiens, par exemple, ont-ils été massacrés par nos soldats ? Seules les atrocités des rebelles sont qualifiées de crimes. Alors que celles des conquérants, ceux qui écrivent les livres d'histoire, sont reconnues comme nécessaires, héroïques même. Pire, elles illustrent une prétendue volonté divine. Quelle différence y a-t-il, en fin de compte, entre les soi-disant civilisés et les barbares ?