Tournez la page, Octave ! L’Algérie française, c’est fini ! Un million de Français pour neuf millions d’autochtone. Arabes, Berbères, pauvres pour la plupart, avec une démographie et une clochardisation galopantes. Dans vingt ans, ils seront vingt millions. Pendant que la population européenne stagne. Que voulez-vous que la France fasse avec ce boulet ? Que voulez-vous que nous fassions avec vingt millions de clochards ?
Franchement, mon colonel, je ne sais plus où est mon devoir, où sont mes convictions. Je ne sais qu’une chose : quand la vérité est introuvable, il ne reste plus qu’à faire ce que l’on croit juste. Pour moi, ce qui compte, c’est la fidélité à la parole donnée, la fidélité aux siens, la fidélité à la terre où sont enterrés ses morts. Je me fie à mon instinct, celui de l’animal qui défend sa tanière, ou celui du premier homme qui défend sa tribu, sa famille.
Comprendre le monde pour un homme, c'est le réduire à l'humain.
Albert Camus
Aujourd’hui, on nous dit La valise ou le cercueil ! Et total, maintenant, on a les deux !
Il faut briser le mur de la haine entre les communautés. La France a raté plusieurs occasions en ce domaine. Aujourd’hui les temps ont changé et dans la vaste redistribution des enjeux mondiaux il faut peut-être se dire que l’Algérie française a vécu. Nous devons maintenant penser à l’avenir de ce pays qui ne peut se concevoir sans tous les habitants, quelles que soient leur origine, leur religion, ou leur condition sociale. On peut faire comprendre aux Européens d’Algérie que dans ce nouvel état basé sur l’égalité, la justice, la liberté pour tous, ils auront les droits de citoyens pleins et entiers.
Il n’y aura pas de Dien Bien Phû en Algérie. – Charles de Gaulle
(introduction de Maïssa Bey) Et ainsi, avec nous, pour nous et pour lui aussi, [Jacques Ferrandez] remonte le cours des événements, respectant ce que Paul Ricœur appelle Le pacte de vérité avec le lecteur, non sans ajouter que La vérité en histoire reste en suspens, plausible, probable, contestable, bref, toujours en cours de réécriture, ce qui, me semble-t-il, est particulièrement vrai pour cette fin de guerre. La fin d’une guerre. Dans le bourbier, les hommes de bonne volonté s’enlisent. Et l’on fait taire les voix qui s’élèvent pour dénoncer les extrémismes et la folie meurtrière. Les voix qui veulent Briser le mur de la haine. Mais une guerre est-elle vraiment finie quand se taisent les armes ? de la fin d’une guerre, la grande Histoire ne retient que les dates, les hauts faits de guerre, parfois peu honorables, les clauses des traités et des accords, qui, loin d’apaiser les passions, attisent les rancœurs, aiguisent la haine. Et puis les chiffres. Le nombre des victimes. Les morts seulement. Non pas ceux en qui, longtemps après, continue de résonner l’écho de toutes les déflagrations. Il faut que le temps passe pour que la parole vienne, c’est peut-être la condition pour que la guerre s’arrête, confiant un jour Jacques Ferrandez à un journaliste de L’Humanité, qui l’interrogeait sur les raisons qui l’avaient poussé à revisiter l’histoire de la colonisation française en Algérie, en consacrant plusieurs volumes à la guerre d’Algérie. Que vienne la parole pour réconcilier les mémoires… alors seulement pourrons-nous regarder notre histoire en face. Alors seulement la guerre sera finie…
Que serait cette ville désormais sans sa librairie, sans sa culture et sans les livres ? À moi, ils ont ouvert la voie du renouement avec l’authenticité traditionnelle que recèle la casbah. La culture est la pierre de base qui donne à la lecture ses lettres de noblesse, par lesquelles l’écriture pénètrera par insufflation dans l’édifice humain. Dont le cœur est le moteur inamovible par où l’immensité passe sous forme de pensées. – Momo
La France abandonne l’Algérie parce qu’elle s’abandonne elle-même. Ce qui se passe ici avec les Arabes, la France le connaîtra bientôt sur son propre territoire. Avoir voulu les Français de Dunkerque à Tamanrasset, et se retrouver un jour avec les Arabes de Tamanrasset à Dunkerque. Et comme nos belles âmes ont peur de faire peur, elle préfère perdre une guerre en croyant sauver l’honneur. Résultat : elles récoltent la défaite et le déshonneur. […] Nous qui avons été la gloire de la Résistance, sommes devenus la honte de la France coloniale, en Indochine et maintenant ici. On a combattu le communisme en Indochine, et on a été vaincus par les politicards. Ils nous ont fait perdre, et il a fallu en plus confesser nos fautes dans les camps de rééducation. L’aveu, la confession publique, l’humiliation du vaincu. Ce qui était glorieux est devenu honteux. Aujourd’hui, les ennemis, on en a deux : Le FLN et De Gaulle puisqu’il nous a déclaré la guerre. Et puisque le FLN est devenu un interlocuteur valable, par le terrorisme, on va faire pareil, en éliminant nos ennemis.
Pierre Lazareff, Pierre Desgraupes Pierre Dumayet et Igor Barrère vous présentent : Cinq colonnes à la Une.