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Critique de Chri


L'auteur fait un énorme contre-sens sur l'écologie profonde. Il suffit de lire Arne Naess, qui est à l'origine de ce mouvement, pour s'en rendre compte immédiatement. https://www.babelio.com/livres/Naess-Ecologie-communaute-et-style-de-vie/126519
Cependant, le livre de Luc Ferry constitue une preuve vivante du type d'universalisme abstrait qui conduit à creuser les inégalités dans ce monde, autant qu'à pourrir la planète.
L'auteur montre, par ses références, à quel point cette habitude de pensée est ancienne et profondément tissée. le terme néolibéralisme pour désigner cette idéologie serait d'ailleurs complètement déplacé quand on songe aux doctrines ultra-classiques auxquelles elle emprunte.
Mais même en suivant John Locke (fin XVIIeme siècle), qui encourage l'appropriation privée des ressources de la nature par le travail, Luc Ferry pouvait prendre à son compte cette exigence qui est d'en laisser aux autres « autant et d'aussi bonne qualité ». Compte tenu des signaux écologiques qui alertent depuis longtemps, on peut parler de déni de responsabilité de la part de l'auteur.
Puisque qu'il se réclame de Kant voici une pièce instructive de cette philosophie du rapport de l'homme à la nature : « La guerre intérieure ou extérieure, dans notre espèce, a beau être un grand mal, elle est pourtant le mobile (Triebfeder : l'excitant de la pulsion) qui fait passer de l'état sauvage de la nature à l'état social. ».
Le contraste est saisissant avec une écologie profonde d'inspiration spinoziste qui donne la priorité à l'affect joyeux de « Réalisation de Soi ! » en accord avec le tout. Mais ce qu'il y aussi au fond de l'écologie profonde c'est du pragmatisme.
Comme John Locke invoquait une loi de nature, Luc Ferry trouve également que l'exigence écologique doit s'intégrer enfin au marché, « qui s'adapte TOUT NATURELLEMENT aux nouvelles exigences des consommateurs ». Étonnante auto-contradiction pour celui qui estime dans le même livre que la civilisation « trouve son essor véritable avec cet arrachement à l'univers naturel par lequel se constitue progressivement un ‘monde de l'esprit' ».
L'écologie profonde soutient les actions de sensibilisation des consommateurs notamment pour la diminution de la consommation énergétique, mais elle se place résolument sur le plan politique. D'après Arne Naess, « la direction est révolutionnaire mais la voie est celle de la réforme ».
Au contraire, le « laisser-faire » du marché proposé par Luc Ferry, paraîtra irresponsable à de nombreuses personnes. C'est même un abandon surprenant de la part d'un professeur de sciences politiques. Heureusement, les dernières élections européennes ont montré récemment l'importance de l'écologie en politique. Mais il est vrai que l'eau a coulé sous les ponts depuis la sortie de ce livre.
Enfin ce livre devrait nous rappeler le danger des visions omni-englobantes qui terminent par « …isme ». Arne Naess signalait le cas du darwinisme social qui a complètement inversé la théorie biologique de l'évolution. de la même façon il faudrait se méfier de ce qu'on entend par libéralisme. Mais puisque Luc Ferry brandit les menaces du nazisme, du stalinisme et autres fondamentalismes, je vais terminer par cette citation assez piquante de Bertrand Russell. Chacun pourra tenter de se reconnaître ou pas… dans ce petit jeu des tempéraments libéraux : « A partir de Rousseau et de Kant il y eut deux écoles de libéralisme qui pourraient être définies les têtes dures et les coeurs tendres. Les premiers se développèrent avec Bentham, Ricardo et Marx et, par étapes logiques, jusqu'à Staline. Les seconds, par d'autres étapes, non moins logiques par Fichte, Byron, Carlyle et Nietzsche, aboutirent à Hitler ».
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