Qu'on ne se méprenne pas. Ryanair est bien une société aérienne irlandaise ! Et non écossaise comme pourrait le laisser croire sa gestion tout à l'économie. En effet, low cost est pris au plus près du pied de chacune de ses lettres. Et ce n'est pas qu'une histoire de prix des billets, mais bien une véritable culture maison dont la logique est poussée jusqu'au bout ; au point que l'auteur affirme que même la sécurité est au rabais (God save the client !) ! Comme on dit : « il n'y a pas de petits profits ». Et effectivement, au bout du compte, il semble qu'il y en ait même de très gros !
Ainsi, les seuls écarts que l'entreprise se permet, sont ceux de langage de son patron (cf. citations) ; qui a apparemment oublié les bonnes manières et le politiquement correct. Imaginez Onc' Picsou perdu dans les colonnes de
Charlie Hebdo !
Ces quelques ingrédients concoctent un irish stew* mode Ryanair fait de mépris et d'arrogance généralisés (sauf vis-à-vis des actionnaires of course) dont la traduction opérationnelle est une politique d'utilisation systématique du rapport de force et de l'intimidation. En résumé, personne n'a voix au chapitre.
• Ni les employés corvéables à merci et traités sans aucun ménagement, y compris les pilotes (ces « chauffeurs de taxis glorifiés »). La sanction et la contrainte semblent tenir lieu de seule politique de ressources humaines.
• Ni les autorités aéroportuaires et régionales qui sont sous le chantage permanent d'un arrêt d'exploitation et donc d'un arrêt des retombées économiques associées.
• Ni les fournisseurs.
• Et le plus surprenant, ni les clients de la compagnie. En effet, pour ces derniers, le seul et unique service offert est une politique de prix du transport les plus bas. Pour le reste, quand quelque chose d'autre existe, il est payant et au prix fort. Il faut avouer que dans un monde commercial qui ne parle plus que de services de plus en plus individualisés, d'expérience client, un tel positionnement est étonnant. Je pensais naïvement que le genre « vous pouvez choisir la couleur que vous voulez pourvu qu'elle soit noire » ou « parlez dans l'hygiaphone » ou « je ne veux voir qu'une seule tête » était légèrement dépassé. Donc pas de client roi (God save the client !) !
Bref, ça ne donne pas très envie de se balader aériennement avec ces gens.
Toutefois, attention ! Bien qu'à la lecture du bouquin, vous avez compris (je crois que les i ont bien tous leurs points) que Ryanair n'est pas d'emblée sympathique (et au deuxième abord non plus), il y a quand même un truc qui gêne : c'est le genre "auteur anonyme avec utilisation de pseudo". Vu le brûlot, vu que l'auteur serait commandant de bord dans la compagnie et que donc bizarrement il craindrait pour son emploi (y en a qui se sont fait effectivement virer pour beaucoup moins que ça avec Facebook), on pourrait l'admettre. Mais il y a toujours un doute, des arrière-pensées : « qui est-il vraiment ? », « quelles sont ses véritables intentions ? », « est-ce vraiment vrai ? » ; et ça donne un petit goût pas terrible à la lecture. D'autant plus qu'alors que le livre n'est qu'à charge, sur toutes les facettes de l'entreprise (finances, fonctionnement, sécurité…), et sent le règlement de comptes, l'éditeur nous présente l'auteur comme un héros des temps modernes dont le seul objectif serait de faire avancer la cause de l'aviation moderne et de sa sécurité qui a besoin de tels chevaliers blancs pour progresser vers un avenir radieux, alléluia ! Mouais…
Bon en tout cas, j'irai pas quand même ! Mais, surtout : God save the client !
* Irish stew : pour ceux qui ne seraient pas familiers avec la cuisine irlandaise, il ne s'agit pas d'un steward irlandais mitonné aux petits oignons, même si le sujet du livre pourrait prêter à confusion, mais, en fait, d'un ragoût d'agneau avec les incontournables pommes de terre irlandaises. Expression évidemment utilisée au figuré.