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Citations sur Destiny (8)

Page 178
« You saved my life », dit enfin Destiny.

Vous avez sauvé ma vie.

Anne va protester, mais, les yeux au loin, tranquillement, Destiny répète : « you saved my life ». Et Anne comprend qu’en effet il est question de vie et de mort, de mort et de vie, et que le respect lui impose de se taire. Un instant de silence, en hommage à ces choses mystérieuses qui les dépassent, elle Destiny, elle, Anne.

On entend les cris et rires des enfants, le soleil leur chauffe les bras, Victor au loin joue au ballon avec ses fils. La réalité revient autour d’elle.

Glory est toujours sur son cheval à ressort, à le secouer de ses petites mains. Anne lui adresse un petit sourire, Glory fait de même en retour. Et comme Destiny et elles ont quitté leurs manteaux et lainages, tant il fait chaud maintenant sur le banc, et que leurs bras nus sont côte à côte, elles observent ces bras, comparent leur couleur, vraiment blanche pour l’une, sombre et luisante pour l’autre.
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Les migrants sont capables d’exploits qui relèvent du miracle. C’est dans le grand livre des migrants que se trouvent les miracles d’aujourd’hui.
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Page 151-152
Il y a beaucoup de choses qu’Anne pourrait faire pour Destiny, beaucoup de choses qu’elle ne fait pas. Elle pourrait la prendre comme femme de ménage à la place de la jeune Roumaine qu’elle emploie quelques heures par semaine. Clandestine, elle ne pourrait être déclarée. La jeune Roumaine, elle, est européenne et a les papiers nécessaires. Il faudrait la congédier pour que Destiny puisse prendre sa place. Sa situation est bien meilleure que celle de Destiny, néanmoins précaire : elle attend que son jeune fils soit inscrit dans une classe spécialisée, qui accueille des enfants ne parlant pas encore le français, pour le faire venir. Elle ne se plaint jamais mais parfois Anne voit combien ses traits sont tirés, ses yeux inquiets. Elle ne voit son fils que de loin en loin, il habite chez la grand-mère en Roumaine. S’il part, la grand-mère sera seule.

Anne n’a pas proposé quelques heures de ménage à Destiny.

Son appartement lui paraît trop étroit pour la contenir. Pour contenir Destiny et son énorme cargaison de malheurs.

Il lui semble que si Destiny entrait dans son appartement, celui-ci, tel un bateau surchargé, pourrait sombrer. Elle voit littéralement Destiny posant le pied dans l’entrée et aussitôt les murs tanguer, le parquet s’incliner.

Elle craint de les trouver un jour devant sa porte, elle et toute sa famille : cinq personnes. Et d’avoir à les héberger, à les faire vivre. Cinq personnes.

Ce mot « fraternité » dans la devise nationale. Il l’intimide, l’embrouille. Elle ne le comprend pas. Ce mot est sans limite définie, c’est un gaz volatil qui peut se répandre indéfiniment dans l’espace, il donne le vertige, comme lorsqu’on se penche sur le bord de la nuit étoilée.

Anne aurait pu acheter un ordinateur à Destiny, un vélo, l’emmener en vacances ave elle. Elle aurait pu aller la voir en chacun de ses centres d’hébergement, mieux, elle aurait plu la prendre chez elle.

Chez elle, elle n’est pas seule. Il y a des enfants qui y ont leur chambre, leurs jouets, il y a un homme surtout. Anne ne peut imaginer Destiny de l’autre côté de la cloison de leur chambre.

Ses rêveries, dans la rue, en attendant le métro ou le bus, vont comme suit : elle gagne une très grosse somme au loto, elle lui achète un appartement, qui sera à elle quoi qu’il arrive, et voilà, elle est débarrassée d’un gros souci, elle a le cœur léger, c’est magique.

En réalité, elle ne joue pas au loto. Une ou deux fois, elle a acheté un billet en pensant à Destiny. Rien. Des rognures grisâtres pour les billets à gratter, ou un numéro aberrant pour les billets à numéros. Et une sourde colère. Voilà tout ce que le hasard consentait à Destiny : ces miettes de papier, ces chiffres idiots.

Devant la porte du bar-tabac, un mendiant. Pensant à Destiny toujours, elle ne donnera rien à ce mendiant inconnu, ce mendiant anonyme. Mieux vaut garder ses pièces pour Destiny. Donner à cet homme, c’est voler Destiny. Même raisonnement avec tous les mendiants.

Destiny : son excuse. Sa belle excuse.
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La multitude d'Anne : toutes les entités qu'elle abrite, floues, trouées, se déformant au moindre choc, la personne qu'elle n'est pas, qu'elle pourrait être, voudrait être, ne voudrait pas être, ne sait être, croît être, et d'autres venues du dehors, une foule vaguante, pas plus sans doute que chez quiconque. ou plus peut-être, comment savoir.
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Page 147 – 148
… Sur la table, leur commande : le chocolat de l’une, le coca de l’autre. Soudain : « You want to eat something ? » demande Anne sur une intuition. Touché ! «Yes, I am hungry », dit Destiny vivement. Elle a faim. “And you, you don’t want to eat ? ajoute-t-elle. Et vous, vous ne voulez pas manger ?

Anne répond qu’elle a déjà déjeuné. Il est cinq heures de l’après-midi tout de même ! Quelque chose comme de la perplexité passe dans le regard de Destiny. Et comme ce qui est apparu là ne disparaît pas, Anne explique le rythme des repas dans ce pays. Repas du milieu de journée, repas du soir. Horaires à peu près réguliers. Il n’est ni midi/une heure, ni sept/huit heures, donc elle n’a pas faim.

Destiny est stupéfaite : dans son univers, on mange quand il y a à manger, la nourriture se saisit quand elle passe.

Cependant elle est assez avertie des bizarreries de ce monde de riches qu’elle côtoie pour dissimuler sa stupéfaction.

Anne, quant à elle, réfléchit à vive allure. Malgré tout son intérêt pour Destiny, elle n’a aucune envie de rester devant elle une bonne demi-heure à observer son regard suspicieux braqué sur l’assiette, la fourchette qui semble tâter la texture de l’aliment, ce qui sera accepté, ce qui sera refusé. Et cette suspicion étendue jusqu’aux serveurs, envers lesquels Destiny semble nourrir une sorte de méfiance à priori : craint-elle d’être empoisonnée ? A-t-elle été traitée de haut, voire de très haut, par des individus de la même engeance ?

Anne annule la commande et emmène d’autorité Destiny au McDonald’s voisin. Bingo ! Car ici, dans ce paradis des pressés, des pas bien riches ou des mal-lisants, on peut faire sa commande dans difficulté, le menu proposé est en images, on voit ce qu’on mange, what you see is what you get. Et, cette fois, par d’installation autour d’une table.

Instruite par une expérience antérieure – Destiny mangeant à peine, la serveuse suggérant d’emporter les restes, le sourire de Destin alors – Anne suggère l’option «à emporter ».

Cinq repas complets, dont elle pourra nourrir toute sa famille ce soir.
Destiny rayonne, son regard va du haut du mur où sont affichées en couleurs alléchantes toutes les sortes de burgers proposés et leurs accompagnements, et redescend vers le comptoir où s’affairent des jeunes gens aimables, plusieurs sacs sont remplis, « Do yo want ice-creams ? » demande Anne au dernier moment, « Yes, yes, for the kids, s’écrie-t-elle, they love ice-creams ! »

Comprenez : mes gosses adorent les crèmes glacées, mais je n’ai pas les moyens de leur en offrir, donc ils n’en mangent jamais. Eh bien ils en mangeront cette fois, et avec des smarties dessus, ou des éclats de caramel, ou des rayons de soleil, des lueurs de lune, des fragments d’étoiles, des diamants, des perles, Destiny rayonne de plus en plus fort, le taux de radiations qu’elle émet affolerait un compteur Geiger de la joie.
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C'est dans le grand livre des migrants que se trouvent les miracles aujourd'hui.
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La belle excuse.
Ceci, concernant Anne : quand elle croise une mendiante accroupie dans ses jupes sur le trottoir, elle pense à Destiny. quand elle entend à la radio l'effroyable odyssée d'un navire de migrants en perdition, elle pense à Destiny. Quand elle apprend que les subventions aux associations caritatives vont être réduites, elle pense Destiny. Quand elle regarde à la télévision un documentaire sur les Restaurants du coeur, elle pense à Destiny.
Destiny est le nom d'un flux de pensées qui circulent sans arrêt dans le cerveau, ce flux n'est pas le seul, il en rencontre d'autres, entre en interaction avec eux, s'en sépare, reprend son cours, c'est la vie d'un cerveau, tel qu'il cahote aujourd'hui dans les rues de nos villes.
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Rien d'éteint, dans les yeux de Destiny et de son mari Victor. Ce qui y brille, il lui faudra plusieurs heures avant de réussir à l'identifier, il lui faudra contourner des amas de clichés et de préjugés pour arriver à cette simple certitude : ce qui brillait dans leurs yeux, c'était le bonheur anticipé de deux parents devant la joie de leurs enfants. Cela, rien de plus.
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