Je ne sais pas si c'est l'époque qui veut ça mais les mecs qui s'énervent en parlant de poésie comme s'il en allait de la vie, ça a tendance à me fatiguer. Or, je n'aime pas ce qui consume mon énergie inutilement.
Fondane souffre d'une contradiction limite quantique, pour parler selon l'air du temps. Genre, à dire que la poésie ne s'explique pas et ne doit pas s'expliquer, ne doit pas vouloir se rallier aux causes du temps ni participer aux progrès des sciences techniques et sociales, mais en même temps qu'il pérore là-dessus sur des pages et des pages, il s'active pour se contredire puisqu'il nous bassine à faire de la poésie un acte engagé à la con, un de plus, un encore.
J'imagine que ce faux traité d'esthétique reste néanmoins sympa pour tâter de l'ambiance des années 40, quand on croyait encore que Dada et le surréalisme avaient des couilles. Au moins, Fondane nous confirme que ce n'est pas le cas, même s'il ne fera sans doute pas mieux lui non plus.
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Sous la poussée et la pression de l’événement spéculatif, le poète à son tour, s’est mis à mépriser le « charme », il a perdu confiance en la vertu qui le rend poète, il en est venu non seulement jusqu’à haïr, mais jusqu’à perdre l’intelligence du transcendant, du religieux, du mystère : ses supports métaphysiques, ainsi que des passions « frivoles », des affections « insensées » : ses supports existentiels. Pour échapper à la vindicte de la raison et sauver néanmoins son propre bien, l’artiste s’est vu obligé d’avoir recours au mensonge éthique, de travestir ses intentions, de recourir au piège du perfectionnement moral du lecteur. Pour échapper à l’opprobre universel, il s’est jeté de lui-même dans les bras du mécanicisme, du scientisme, de l’éthicisme, de la pensée spéculative.
M. Paul Valéry vide la poésie du sensible, de l’histoire, nous interdit le domaine de la souffrance, de la mort, assigne à la poésie son véritable rôle : celui de chanter le drame de l’intellect.
Comme l’expérience, la morale et l’intellect, la poésie s’est voulue « autonome » ; elle s’est émancipée de la réalité affective, imaginative, corporelle, historique, elle a banni de son contenu le rire, le pleur, le mystère, la fable, elle a aboli jusqu’à l’objet –et autorisé le poème à s’engendrer lui-même, avec le seul concours de l’Esprit ; c’est ainsi que la poésie est devenue un en-soi.
Baudelaire même se laisser aveugler au point de donner pour signe de la poésie une certaine « mélancolie », je veux dire un état affectif rasséréné, épuré, d’où la souffrance aiguë et l’horreur ont été exclues, et qui est caractérisé par la passivité et la résignation.
La poésie est le lieu même –spirituel- où le péché a la nostalgie de la foi ; ou, en d’autres termes, le lieu même où la conscience rêve de la possibilité d’un acte pur, libre, puissant, qui transporterait les montagnes, ou créerait le poème –en se jouant.
Incandescente poésie de la liberté,le feu du dedans : Benjamin Fondane.