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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
En peu de lignes, à l'ouverture de cet ouvrage, Anatole France fait le récit rapide de l'histoire d'une lignée, et de l'ascension fulgurante d'une famille de 1789 à l'aube du vingtième siècle.
Romain Bussart, laboureur à Esparvieu, fit fortune à la révolution en achetant des biens du clergé.
Le baron Alexandre d'Esparvieu, un de ses proches descendants, profita de cette fortune encore toute fraîche pour constituer l'Esparvienne, une bibliothèque de 360.000 volumes, tant imprimés que manuscrits.
Et voilà bien l'univers d'Anatole France reconstitué : une immense bibliothèque, confiée aux bons soins de Julien Sariette, modeste archiviste et paléographe doué d'une méthode et d'une patience obstinées.
Seulement quelques uns de ses volumes semblent avoir été pris d'une sorte de danse de Saint-Guy.
Il y aurait-il derrière tout cela quelque sombre diablerie ?
"La récolte des anges" est une parabole, un épître selon le grand écrivain bibliophile Anatole France.
Il y réinvente l'histoire des cieux, y redéfinit la nature de chacun de ses protagonistes pourtant devenus fameux en 2000 ans de messes, de vêpres et autres liturgiques petites réjouissances.
Anatole France y fait preuve ici d'une subversive ironie.
Le diable est dans le détail, mais aussi dans la bibliothèque éparpillée !
Le malfaiteur est dans la maison.
La trace d'un pied inconnu est remarquée ...
Un chuchotement est entendu ...
L'ange gardien de Maurice d'Esparvieu, dernier du nom, vient à apparaître et c'est ... "la révolte des anges" !
Malgré quelques longueurs, les personnages sont savoureux et les situations sont cocasses.
Cette nouvelle légende est un roman très parisien, puisqu'il paraîtrait que, même déchus, les anges aiment à flâner dans Paris, à y respirer son air tout particulier de liberté, de curiosité et de doute.
Le récit se suffirait presque à lui-même.
Mais il n'est que la tenture qui, écartée, laisse apparaître toute la pensée du grand philosophe.
Car ce livre, "la révolte des anges", est tout de philosophie, et de théologie profane.
Il s'attarde, bien sûr, sur la collusion entre le sabre et le goupillon.
Mais il ne s'en contente pas, le propos s'y enfonce encore bien plus dans un grand chamboulement de l'ordre établi.
Il en vient même à saper les fondements même de la mythologie chrétienne et du pouvoir politique.
Ce livre est une bombe, un concentré d'anarchie tranquille !
La science, l'art, le savoir, l'amour des hommes et des livres, voilà bien l'univers d'Anatole France reconstitué.
Alors, bien sûr, dans ce livre "la révolte des anges", le mot suit son petit pépère de chemin.
Il n'est pas question de se presser, on est bien là, entre amis bibliophiles moqueurs et mécréants.
Il en est de la vie comme de la musique, doit-y régner de l'harmonie.
Et le plus grand péché dont peut s'enorgueillir la plume d'Anatole France est d'avoir fait du diable le diapason de cette harmonie, d'en avoir fait un héros magnifique, le symbole de la vacuité du pouvoir ...
Un péché impardonnable pour un livre mémorable !
Les plus turbulents de nos écrivains contemporains n'ont qu'à bien se tenir ...



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Poursuivant la découverte d'Anatole France, j'ai donc attaqué ‘L'insurrection des anges ‘. Et le verdict est implacable : voici un auteur qui mérite amplement d'avoir une rue à son nom dans chaque ville de France, et qui n'a pas du tout mérité qu'on oublie pourquoi !
Pour un auteur de la fin du XIXème la lecture est surprenante de fluidité et de clarté
Le style est brillant, plein d'ironie et de vivacité ; le sujet est complexe, magistralement traité, et doté d'une lecture à plusieurs niveaux.

Tout commence dans une bonne famille de la grande aristocratie catholique, les d'Esparvieu. le patriarche, grand amateur de livres, a bâti une fabuleuse bibliothèque.Son responsable, Monsieur Sariette, un petit vieillard atrabilaire et monomaniaque, la garde comme Cerbère la porte des enfers. Mais voila que des livres se mettent à disparaître. le coupable : l'ange gardien du jeune Maurice d'Esparvieu, qui veut se cultiver. Au fil de ses lectures, il découvre que Dieu n'est qu'un imposteur ; il décide donc de s'incarner pour prendre contre lui la tête d'une révolution !

Tout l'art d'Anatole France consiste à renvoyer tout le monde dos à dos. D'un point de vue sociale, la grande bourgeoisie catholique dissimulant ses turpitudes sous la pudibonderie ; et les délires de la bohème. D'un point de vue politique, la critique de l'absolutisme et des monarchistes est impitoyable ; mais il conclut qu'une révolution n'arrivera qu'à mettre au pouvoir des despotes encore pires. Très prophétique, si l'on songe que le livre est paru en 1914. Les milieux d'affaires, et leurs liens incestueux avec la Troisième République, prennent également leur banderille au passage.

Mais c'est surtout sur le sujet religieux qu'on touche au grand art. Car même si le sujet consiste à nier la toute-puissance de Dieu, il n'en reste pas moins qu'il existe et que cette révolution est menée par des anges ! D'où l'insurmontable problème d'un des personnages, athée : il est d'accord avec l'ange, mais ne croit pas à l'existence de ce dernier. Les religieux et les non-religieux en tireront leurs conclusions. Mon opinion, pour ce qu'elle vaut, est qu'Anatole France répugnait autant aux excès de la religion qu'à ceux du matérialisme.

Précisons que rien dans tout cela n'est sardonique, mélodramatique, outragé ou révolté : tout reste léger comme une opérette d'Offenbach, et d'ailleurs à bien des égards on est plus dans la satyre sociale que dans la critique. Anatole France constate la réalité du monde et que ma fois, ce n'est pas très beau mais somme toute ça ne marche pas si mal comme ça. En fait, il semble avoir une tendresse pour chacun de ses personnages, du fils de famille débauché à la vivandière trompée, leurs petits arrangements avec l'honnêteté et leurs grosses ficelles.

Son sec rejet de la cause révolutionnaire explique mieux pourquoi il fut l'objet de si furieuses attaques d'Aragon. Pour moi, je suis définitivement conquis par son style et son habileté narrative !
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J'extrais des 25 volumes en demi-reliure chagrin des oeuvres complètes d'Anatole France, un livre au hasard. Je tombe sur "la révolte des anges", un titre qui m'intrigue. Je survole les premières pages et découvre qu'il est question d'un bibliothécaire, un certain Monsieur Sariette qui gère avec une passion dévote une immense bibliothèque privée appartenant au baron d'Espervieu. Ces premières informations me suffisent pour décider de lire cet ouvrage. Me voici aussitôt embarqué dans un récit fantastique, philosophique, humoristique, ironique, politique ou fleurie à chaque page une critique acerbe de la religion, de la bourgeoisie, des institutions, de la folie des hommes. L'histoire commence comme un roman policier par le constat d'un saccage des livres de théologie, des bibles hébraïques, grecques et latines les plus rares de la belle bibliothèque du baron. Monsieur Sariette est au bord de l'apoplexie lorsqu'il découvre la disparition de quelques-uns de ces livres parmi les plus précieux. Ces faits se reproduisent plusieurs jours de suite. On pense que le roman va se poursuivre sur le même ton en développant un suspense autour d'un mystérieux visiteur nocturne habité par une passion mercantile. Pas du tout, on décolle littéralement à partir du chapitre X très justement souligné par l'exergue suivant : "Qui passe de beaucoup en audace les imaginations de Dante et de Milton."

 Je n'en dirais pas plus pour ne pas déflorer le sujet, mais après cette lecture, je me félicite d'avoir acquis les oeuvres complètes d'Anatole France dont chaque volume lu jusqu'à présent me procure un immense plaisir. le style est impeccable, inventif et un peu désuet comme je l'aime. Chaque phrase est ciselée avec légèreté, l'auteur est habile dans tous les domaines de la pensée, est-il besoin de souligner son érudition, et ce qui ne gâte rien le tout est ponctué d'humour. Ce roman est sans doute impossible à lire pour beaucoup de nos contemporains trop cantonnés à un cadre littéraire rigide. Mais où trouver aujourd'hui un auteur qui conjugue le verbe chaloir : "Dans la bibliothèque d'Esparvieu vous pouvez étudier la physique et, pour peu qu'il vous en chaille, la métaphysique..". A ce plaisir du texte s'ajoute celui de tourner les pages d'un livre ancien (édition 1930) aux feuillets non coupés et de découvrir des pages vierges de tout regard dans l'aspect de leur impression native. Tout à coup, par la magie de la lecture se réveillent une histoire et des personnages, endormis depuis près de cent ans.
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