Je venais de perdre la moitié de moi-même. Le trésor joyeux et fécond de six ans d’amour, patiemment amassé, n’était plus, parti dans les ténèbres. Ce qui restait souffrait, tout simplement, mais conservait une apparence normale.
Elle partie, mon complexe d’infériorité était revenu, pas trop marqué, mais persistant. Une habitude mentale dont on se défait et qui revient subrepticement dans les recoins obscurs et mal gardés de l’âme. Pitoyable.
C’est drôle comme on n’oublie jamais les saveurs qu’on a découvertes tout jeune... Remarquez, j’en avais bu, depuis... Enfin, c’était bien ce whisky-là, sur le chariot des liqueurs qu’on vous apporte avec le café, et j’ai eu envie d’en prendre. La nostalgie, quoi !
La douleur morale est inacceptable, socialement. Il n’est pas concevable de pleurer. En particulier, quand on a trente-deux ans et que l’on est à peu près présentable. Quand on a perdu sa femme depuis six mois et que tous les autres ont cessé d’avoir du chagrin.
« On trouve toujours une autre jolie femme ; le temps console de bien des choses », disent-ils. « Il se remariera un jour », disent-ils.