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Citations sur Trois femmes disparaissent (18)

C'est au grenier que les maris bigames des romans gothiques enferment leur femme "folle" (Jane Eyre, Charlotte Brontë). C'est au grenier que l'épouse "parfaitement belle" du "si laid et si terrible" Barbe Bleue ne peut s'empêcher de monter, découvrant le sang caillé, dans lequel se miraient les corps de plusieurs femmes mortes et attachées le long des murs (La Barbe Bleue, Charles Perrault). C'est au grenier que sont dissimulés les bijoux de la femme que son mari bigame rend folle pour la dévaliser (Gaslight, George Cukor)
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Cinq ans, c'est l'anniversaire de Mélanie Griffith, à qui Alfred Hitchcock offre une petite boîte en sapin en forme de cercueil contenant une poupée qui reproduit, dans le moindre détail, coiffure comprise, le corps miniaturisé de sa mère vêtue du tailleur vert amande des Oiseaux.
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La proie doit tout savoir du prédateur. Lui peut tout s'ignorer de la proie.
Pour survivre, la proie doit-elle devenir le prédateur qu'elle a fui ?
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La détective ne veut pas rapetisser l'âme des femmes que leur profession contraint à se voir en grand. Car la seule différence entre le visage d'une femme et celui d'une actrice, c'est l'agrandissement.
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Les Grecs racontent que le Cyclope naît dans la cavité du cœur humain, bouillonnante de fureur. L'œil mort de Colombo est une grotte où le flic aux chaussures sales, à l'imperméable froissé, à l'antique bagnole, dissimule sa rage contre les puissants qu'il finit toujours par enfermer.
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Au rez-de-chaussée de la maison de Mitch, tout le monde dort. Melanie décide de monter au grenier. C'est au grenier que les maris bigames des romans gothiques enferment leur femme "folle" (Jane Eyre, Charlotte Brontë). C'est au grenier que l'épouse "parfaitement belle" du "si laid et si terrible" Barbe Bleue ne peut s'empêcher de monter, découvrant le sang caillé, dans lequel se miraient les corps de plusieurs femmes mortes et attachées le long des murs (La Barbe Bleue, Charles Perrault). C'est au grenier que sont dissimulés les bijoux de la femme que son mari bigame rend folle pour la dévaliser (Gaslight, George Cukor)
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(Les premières pages du livre)
IL ÉTAIT UNE FOIS
Il était une fois trois femmes en fuite.
La première parvient à s’échapper.
La deuxième disparaît.
La troisième est la doublure des deux autres.
Sont-elles brunes, blondes ou rousses ?
Ça dépend.
Sont-elles liées entre elles ?
Grand-mère, fille, petite-fille: leur lien déroule le fil de trois générations.
Les fugueuses sont-elles anonymes ?
Un entrefilet, en page des faits divers, a-t-il signalé leur absence ?
Leurs visages sont célèbres dans le monde entier.
Leurs faits et gestes, connus et scrutés de tous.
Prendre la fuite, pour ces stars, relève de l’exploit.
Quitter la scène, pour ces femmes, est une question de vie ou de mort.
Trois femmes disparaissent.
Trois générations d’actrices.
Sous le regard d’une détective, leur disparition devient une métaphore.

AU COMMENCEMENT
2021.
Bureau de la détective.
Quelle est l’identité des trois disparues ?
Car, explique la détective qui écrit des romans, il en va de même pour tout le monde: qu’il s’agisse des personnes de la vie réelle ou des personnages de fiction, tout récit commence par le choix d’un prénom.
La première femme se prénomme Nathalie.
Nathalie est née le 19 janvier 1930.
Son père, qui l’a nommée Nathalie, juge pourtant ce prénom trop important pour un tout petit bébé.
Comme le père de Nathalie est d’origine suédoise, il surnomme sa fille Tupsa, puis Tiffs, puis Tippi, diminutif affectueux de petite fille en suédois.
C’est ainsi sous le prénom de Petite fille que la première disparue devient célèbre, à l’adolescence, en offrant son visage aux couvertures de magazines de mode.
La deuxième femme est la fille de la première.
Elle naît le 9 août 1957.

Sa mère la nomme Melanie.
En 1963, quand la petite Melanie a cinq ans, sa mère interprète l’héroïne d’un film qui va faire d’elle une star.
Le personnage qui rend Petite fille mondialement célèbre se prénomme Melanie.
Au générique, le prénom de la star naissante est encadré de deux apostrophes : ‘Tippi’. Le réalisateur décrète que les apostrophes enserrant ‘Tippi’ marqueront sa possession.
La troisième femme est la fille de Melanie, et la petite-fille de Tippi.
Elle est née le 4 octobre 1989 et se prénomme Dakota.
Le 29 janvier 1992, Melanie a raconté à l’animateur de télévision Johnny Carson, dans son émission The Tonight Show, comment elle avait choisi le prénom de sa fille:
“Un de vos enfants s’appelle Dakota. D’où vient ce prénom ?
— On aimait ce prénom.
— C’est un nom indien ? Qu’est-ce qu’il veut dire déjà ?
— «Amitié, ami.» Et d’ailleurs cette amie qui travaille pour nous, Diane, avait choisi ce prénom pour son futur enfant qu’elle n’avait pas encore eu. Alors on lui a volé ce prénom, si bien qu’elle a dû appeler son fils Jackson, parce qu’on avait pris Dakota !”
Sur le plateau de télévision, dans sa robe toute blanche, parsemée de volants, Melanie s’agite sur son siège, détourne la tête, dérobe son visage, ponctue son récit de gloussements. On dirait une petite fille qu’un adulte vient de surprendre en train de faire une bêtise.
La détective se demande si Melanie désigne chaque membre de son personnel par la périphrase “cet ami qui travaille pour nous”.
“Vous avez volé le nom d’un fœtus qui n’était pas encore né ? Elle vous a révélé le prénom qu’elle allait donner à son enfant et vous l’avez volé ?
— Elle nous l’a offert !
— Et maintenant elle a été obligée d’appeler son enfant Jackson.”
Dakota, l’“amie”, est née d’une trahison amicale.
Dès sa naissance, elle arrive en deuxième, après l’enfant que la bonne de sa mère, Diane, enceinte, avait rêvé de voir grandir sous ce prénom.
Dakota est le remake d’un enfant-fantôme, d’un récit mort-né.
La troisième femme de cette histoire est une doublure.
La troisième actrice de ce livre va s’illustrer dans un remake.
Son prénom désigne la langue regroupant les dialectes des tribus amérindiennes – ces tribus, également nommées “Dakotas”, qui appartiennent à la nation sioux.
Son prénom, volé à la langue indienne, raconte une usurpation.

GUEST STAR
L’enquête commence le jour où la détective revoit un feuilleton de son enfance: Super Jaimie.
Quand elle était petite, au milieu des années soixante-dix, elle n’était pas particulièrement fascinée par la blondeur sportive de Lindsay Wagner, qui incarnait “la femme bionique”. Pourtant, retrouver ces épisodes à l’âge adulte produit une étrange surimpression. Elle avait oublié qu’afin de figurer la vitesse surhumaine – cybernétique – de Super Jaimie, la mise en scène ralentissait sa course.
Pour qu’une fille coure vite, faut-il la ralentir ?
La détective fait défiler les épisodes indiscernables dont l’intrigue compte peu, hypnotisée par le décor californien, moins urbain que celui de sa série adorée, Drôles de dames, qui a inspiré sa vocation.
Plus Lindsay Wagner part en chasse d’un ennemi invisible que son oreille bionique détecte, plus elle quitte la ville. Le ralenti produit l’effet d’un travelling contemplatif, baigné dans la lumière des collines de L.A. où la détective s’est promenée uniquement au cinéma.
Dans un épisode de la première saison diffusé en 1976, Super Jaimie est chargée par la propriétaire d’une réserve d’animaux sauvages d’enquêter sur le kidnapping d’un lion. La détective visionne la scène plusieurs fois. Elle est intriguée par le sentiment de déjà-vu que suscite l’apparition de la guest star.
*
Elle a déjà vécu ce genre d’expérience. Un dimanche après-midi de son adolescence, plongée dans un feuilleton interminable, elle se souvient vaguement, comme dans un rêve ou un cauchemar, d’une jeune orpheline – pareillement interprétée par Lindsay Wagner –, dont le destin oscillait entre pauvreté et richesse, Amérique et Vieux Continent. Là encore un personnage secondaire l’intriguait.
En arrière-plan de ce soap, rythmé par les changements de costumes qui en disaient plus long sur l’intrigue que le scénario, une vieille femme lui rappelait quelqu’un. La spectatrice passa l’après-midi à tenter de percer l’énigme de ce visage, jusqu’au générique final où ses yeux incrédules virent apparaître un nom: Gene Tierney
La vieille femme triste, promenant sa silhouette alourdie dans l’ombre du soap qui avait englouti son dimanche, était la star de Hollywood qu’elle avait contemplée sur les écrans des salles du Quartier latin où sa mère l’emmenait. C’était ce visage dont la beauté insoutenable avait hanté les villas gothiques des films de Joseph L. Mankiewicz et Otto Preminger.
*
La détective n’a pas besoin d’attendre le générique de Super Jaimie pour reconnaître, dans les traits à peine vieillis de l’élégante blonde vivant parmi les fauves en liberté, l’héroïne des Oiseaux et de Marnie d’Alfred Hitchcock.
En 1976, treize ans après la sortie des Oiseaux, et sa mystérieuse disparition du grand écran, non seulement Tippi Hedren n’est pas morte – aux yeux d’un spectateur, tout acteur qui a cessé d’apparaître ne l’est-il pas? –, mais elle paraît en grande forme. Son élégance moderne éclipse en quelques plans le style godiche de la joggeuse bionique Lindsay Wagner.
C’est un choc.
D’abord de découvrir que la star hitchcockienne a disparu, non de la surface de la terre, mais de celle des écrans de cinéma – telle une proche parente qu’un secret de famille prétend défunte, alors qu’elle poursuit son existence mystérieusement interdite dans la clandestinité.
Et simultanément, d’entrer chez elle. Car la détective apprend que le ranch, encerclé de pins parasols et d’énormes animaux à fourrure, est la vraie maison dans laquelle, en 1976, la mythique Tippi Hedren s’est réfugiée après avoir déserté les studios hollywoodiens.
*
Une scène des Oiseaux a imprimé dans sa mémoire l’aura de la femme blonde qui donne la réplique à Super Jaimie.
Devant le porche d’une maison de ville californienne, Tippi Hedren – ou plutôt Melanie Daniels, nom qu’Alfred Hitchcock a choisi pour son personnage –, la chevelure platine tordue en chignon, arpente l’asphalte sur ses escarpins en python, balançant son sac en crocodile sur son bras couvert de vison.
Lorsqu’elle découvre, sidérée, Tippi caressant, en 1976, ses propres lions et tigres sans aucune appréhension, la détective se souvient du corps de Melanie, enseveli, sur ordre du maître Alfred Hitchcock, sous les dépouilles de plusieurs parties de chasse.
Treize ans après la sortie des Oiseaux, Petite fille a grandi et jeté ses peaux d’animaux morts pour se réfugier dans sa maison tout en bois.
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La fille a fui l'obsession d'Alfred Hitchcock. Et voilà que dans sa fuite, elle devient prisonnière de "l'obsession de parvenir à faire ce film et peu à peu d'une obsession pour ces grands chats.
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La proie doit tout savoir du prédateur. Lui peut tout ignorer de la proie.
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Sans compter les constantes visites de Hitch, désireux d'exprimer son obsession à l'improviste, totalement indifférent au fait que la femme qui l'obsède n'est pas obsédée par lui.
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