Chasseuse de la nuit, tome 7 : Hors de la Tombe

Bones donna un sens nouveau au terme "fast-food" alors que nous parcourions le labyrinthe de couloirs et de tunnels de l'immense complexe. Tous les trente mètres environ, il attrapait un corps, l'écrasait pour faire circuler son sang, aspirait le liquide à longues gorgées, puis le jetait pour en prendre un autre. Il n'avait d'ailleurs que l'embarras du choix après l'effarant massacre qu'il avait commis pour arriver jusqu'à moi.

Spade tourna les yeux vers Bones.
— Tu acceptes de la laisser faire ça ?
Bones éclata d’un rire amer.
— Si je l’accepte ? Non, mais je m’y résigne. Et elles ne seront pas seules. Je les accompagnerai.
— Bones, soupirai-je, nous en avons déjà discuté. Un otage, c’est crédible, mais deux ? C’est trop.
— En temps normal, oui, répondit-il tranquillement. Mais tous ceux qui me verront penseront que je suis totalement inoffensif.
Mais bien sûr. Un Maître vampire musclé d’un mètre quatre-vingt-dix vieux de plusieurs siècles était la vulnérabilité même.

- Mais quel genre de démon es-tu donc ? demandai-je.
- Un Ornias, répondit-il.
Cela me prit par surprise. Je ne m'étais pas attendue à ce qu'il réponde.
- C'est pour ça que mon pouvoir ne marque pas sur toi, dit Bones avec un petit ricanement. Ton espèce absorbe de l'énergie pour se nourrir.

— Je m’appelle Bones, déclara-t-il sèchement. Tu es prisonnière de mon pouvoir, et je pourrais te faire bien pire si je le voulais.
— Bones, le rappelai-je à l’ordre. Ne l’effraie pas.
— Je ne l’effraie pas, répondit-il calmement. Je lui parle en des termes qu’elle comprend.
Sans la quitter des yeux, il s’approcha de Katie en la laissant lentement redescendre vers le sol.
— Je sais ce que c’est de grandir dans un milieu difficile, lui expliqua-t-il. Ça m’a forcé à comprendre rapidement deux choses : qui est puissant, et qui ne l’est pas. Je le suis, et tu le ressens aussi bien que tu le vois, n’est-ce pas ?
Elle hocha la tête, toujours aussi impassible.

J’ouvris brutalement la porte de la minuscule douche et poussai un juron en constatant que je l’avais arrachée. Dans ma mauvaise humeur, j’avais oublié de contrôler ma force. C’était une erreur de débutant que je n’avais pas commise depuis des années. Il ne manquait plus que je montre mes canines à un passant et que je lui annonce avec un accent guttural d’Europe de l’Est que je voulais boire son sang.

Au cours des trente années que j'avais passé sur Terre, mon existence avait été plus remplie que la plupart, mais sans l'amour, jamais je ne serais arrivée jusque là. Cela avait été la seule chose solide quand tout le reste semblait s'écrouler autour de moi, et malgré les dangers et les incertitudes de l'avenir, je savais que l'amour serait toujours là pour moi.
L'espace d'une fraction de seconde, je pris Madigan en pitié. Seule son ambition impitoyable le faisait tenir. Sa chute n'en serait que plus terrible lorsque cet appui instable viendrait à lui faire défaut.

— Ça n’en arrivera peut-être pas là, Chaton, dit Bones en étendant son aura pour englober mes émotions d’un voile apaisant. Madigan n’en est encore probablement qu’au stade des expérimentations.
— Je l’espère, murmurai-je.
Sinon, j’allais devoir exécuter des gens coupables d’être génétiquement différents… ce qui était mon cas depuis ma naissance. Est-ce que j’en serais capable ? me demandai-je.
Mais une question encore plus troublante se posait : que se passerait-il si je ne pouvais pas le faire ?

— Je ne veux même pas savoir ce que tu voulais dire par là, lui annonçai-je lorsqu’il monta dans notre véhicule.
Avec un claquement de langue, il s’installa sur le siège arrière.
— Vraiment ? Tu n’as pas de quoi être fier, Crispin. Vous êtes mariés depuis je ne sais combien de temps et tu n’as toujours pas initié ta femme aux joies de la fessée avec une spatule en métal ?
Je savais qu’Ian pensait que tout le monde était aussi pervers que lui, et je lui répondis donc sans ciller.
— Nous préférons les mixeurs-batteurs pour nos fantasmes culinaires, dis-je le plus sérieusement du monde.
Bones sourit derrière sa main, mais Ian parut intrigué.
— Je n’ai jamais essayé… Oh, tu plaisantes, n’est-ce pas ?
— Tu crois ? rétorquai-je en ricanant.

— Elle est là ?
Le choc de la voix qui résonnait à l’autre bout du fil était presque comique. La visière teintée m’empêchait de voir le visage du garde, mais sa propre surprise était audible.
— Oui, monsieur. Avec l’autre vampire.
Bones sourit, pas le moins du monde intimidé par les armes pointées sur lui. J’en avais tout autant dirigées sur moi. Au moins, les gardes n’étaient pas sexistes.

Mon talent, c'est de tuer.