C'est l'histoire d'un bled de péquenots dans l'Amérique profonde.
C'est l'histoire d'un meurtre. Celui d'une blonde un peu passée qui choisissait mal ses amants.
C'est l'histoire d'un simple d'esprit qui réfléchit finalement beaucoup pendant les 314 pages du roman.
C'est l'histoire d'un flic pourri jusqu'à la moelle.
C'est l'histoire de tous les paumés de la terres, de toutes les rancoeurs, de toutes les vies ratées qui se noient dans le whisky.
Et encore?
Samuel Gailey sait écrire. En tout cas, de manière efficace. Ces courts chapitres qui nous balancent d'un protagoniste à l'autre, c'est efficace. Pas novateur, mais bien foutu. Il enveloppe le tout en alternant les scènes violentes et les introspections. Cela casse un peu le rythme, mais cela donne du corps à l'ensemble. L'histoire reste vieille comme la nuit des temps. Pas franchement inédite, mais qui se laisse lire, avec juste ce qu'il faut de réalisme pour qu'on puisse y croire (l'espace d'un instant).
Les problèmes... Ils sont énormes et rédhibitoires, en ce qui me concerne. D'abord, je suis un fan d'
Elmore Leonard. Et j'ai lu Cataract City (j'ai oublié l'auteur)... ce qui place la barre très haut en matière de roman noir dans l'Amérique profonde.
Ensuite,
Samuel Gailey enchaîne les clichés. Pas quelques clichés. TOUS les clichés des romans noirs. Je ne veux pas ma la péter, mais j'aurais pu écrire toute la succession des événements à partir de la page 60, ou presque. C'est navrant.
Revenons sur les clichés... le vieux flic, l'adjoint ripoux, le pote alcoolique (en fait tout le monde est alcoolo), les frères vengeurs, etc. C'est trop. Même la fin (que je ne dévoile pas).
Il y a quand même de beaux passages. Les bagarres sont bien rendues. de la page 130 à 150, environ, j'ai trouvé cela plutôt pas mal, la lecture se tonifiait, cela allait de l'avant, C'était "rudement bien", pour paraphraser l'auteur.
En fait, on sent la scénarisation. OK, Gailey est scénariste. Mais quand même. On a tout le temps le sentiment qu'il visualise ce qu'il écrit. Ou plutôt qu'il écrit pour que ce soit filmé. Comme les silhouettes dans la neige... je n'en dévoile pas davantage. Ce n'est pas lui qui doit visualiser, mais nous. Et au final, au lieu d'avoir le prochain thriller avec Kevin Spacey , on a un téléfilm pour TF1, à diffuser à minuit trente un samedi après The Voice.
On peut ajouter (en lien avec les clichés) la psychologie assez monolithique des personnages. Sauf pour le simple d'esprit... qui se révèle finaud comme pas deux. Mais à ce stade-là du livre, on a décroché et on essaie juste de le terminer en se disant que cela va s'améliorer vers la fin (grave erreur).
Je mentionne pour l'anecdote le
Deep Winter... qui est supposé jouer un rôle mais qui se révèle assez peu prépondérant. Ok, il y a de la neige, du blizzard, cela souffle... mais pas au point que l'hiver prenne le rôle d'un personnage de premier plan. Encore une fois, nice try... mais l'essai n'est pas transformé.
Autre chose qui m'est revenue par la suite... les dialogues ne sont pas à la hauteur de l'ambiance que l'auteur veut imposer. Difficile d'expliquer, mais si on compare (et il faut toujours faire attention aux comparaisons), avec
Elmore Leonard, là on a des dialogues essentiels, sans blabla, qui participent à la mise en place de l'atmosphère.
Samuel Gailey, vu son pedigree, devrait être à même de nous captiver avec des dialogues qui percolent, qui percutent. Et ce n'est pas le cas. Par contre, sans jouer les fleurs bleues, il amoncelle les grossièretés, et certaines tombent un peu à plat. Bien sûr des gens grossiers parlent grossièrement, mais les grossièretés qu m'ont titillé faisaient partie de descriptions, donc avec un narrateur omniscient, ce n'était pas des dialogues ou le contenu du cerveau des protagonistes. le même malaise est venu deux ou trois fois avec Danny, le simple d'esprit, qui pense au subjonctif, avec des tournures de phrases très complexes pour son niveau mental.
Franchement, ce n'est pas le naufrage du siècle, mais dans le genre, il y a tellement de bons bouquins qu'il vaut franchement mieux plonger dedans.