On ne résout pas une affaire aussi complexe en éliminant des témoins sous prétexte qu'ils ont été plus malins que vous par le passé. P. 661
A trois reprises, il se réveilla en sursaut parce qu'une locomotive passait en sifflant sur l'autre voie ; et quand son wagon prenait un virage serré, il imaginait que le monstre de métal allait basculer, tourner sur lui-même et s'écraser au fond d'un précipice...
"Oh, merde.
- Quoi ?
- J'ai oublié de larguer ma copine."
- Les hommes, en général, ont du mal à accepter que leur compagne entretienne de bonnes relations avec d'autres individus de sexe masculin.
Il avait mis le mot amour sur les sentiments qu'il portait à Charlotte et, depuis, n'avait rien éprouvé d'aussi fort pour une femme. Mais cet amour avait été douloureux, et non sans conséquences. En cela, il ressemblait davantage à une maladie.Une maladie dont il n'était pas vraiment sûr d'avoir guéri. Pour en éradiquer les symptômes, il avait son propre remède : ne pas la voir, ne jamais l'appeler ni se servir de la nouvelle adresse mail qu'elle avait utilisée pour lui envoyer une photo de son visage hagard, le jour de son mariage avec un ancien soupirant. Il avait conscience que cette histoire l'avait meurtri à tel point qu'aujourd'hui, il ressentait les émotions de manière beaucoup moins vive. Hier soir, par exemple, la détresse d'Elin l'avait bien moins touché que celle de Charlotte, autrefois. C'était comme si sa faculté d'aimer s'était émoussée, comme si on l'avait privé d'une partie de sa sensibilité. Il n'avait pas voulu blesser Elin ; il n'avait pas aimé la voir pleurer ; et pourtant, il ne ressentait plus vraiment la douleur d'autrui. Pour tout dire, pendant qu'elle sanglotait, il avait commencé à réfléchir à l'itinéraire qu'il emprunterait pour rentrer chez lui.
Elle déglutit, ouvrit l'enveloppe et en extirpa la carte.
C'était la reproduction d'un tableau de Jack Vettriano : une femme blonde assise de profil sur une chaise recouverte d'un drap blanc. La femme tenait une tasse à thé, ses jambes fines gainées de noir, prolongées par d'élégants escarpins, croisées sur un tabouret bas. Il n'y avait rien d'agrafé au recto de la carte. L'objet qu'elle avait senti était scotché à l'intérieur.
Pourtant, il était toujours là, à tournoyer dans la tête de Strike. Et les souvenirs affluèrent encore une fois…
À l’époque où Whittaker vivait avec Leda et son fils, personne ne connaissait son passé de délinquant juvénile, hormis les services sociaux du nord de l’Angleterre. Les récits qu’il faisait de sa vie n’étaient qu’un ramassis de mensonges, des fables pittoresques et souvent contradictoires. Pour apprendre la vérité, il avait fallu attendre qu’il soit arrêté pour le meurtre de Leda. Des personnages de son passé avaient alors commencé à sortir de l’ombre. Certains s’adressèrent à la presse, espérant toucher de l’argent. D’autres profitèrent de l’occasion pour se venger de lui. D’autres encore tentèrent maladroitement de prendre sa défense.
Kelsey était arrivée comme un cheveu sur la soupe dans son univers bien ordonné. Jusqu'a la fin de ses jours, elle connaitrait le remords, la douleur et l'épouvante. Elle regretterait surtout que sa soeur soit morte si jeune, sans avoir eu le temps de surmonter ses problêmes, d'oublier ces lubies qui avait contribué a les séparer l'une de l'autre.
« VOUS CONNAISSEZ quatre hommes susceptibles de vous envoyer une jambe coupée ? Quatre ? »
Elle célébrait une réussite dont elle-même avait été privée par un homme affublé d'un masque de gorille.