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Critique de Musa_aka_Cthulie


Noces de sang (Bodas de sangre en espagnol) : avec un titre pareil, pas de doute, vous savez que vous allez rigoler un bon coup.


Donc. Attaquons. García Lorca s'est servi d'un fait divers survenu en 1928, devenu le matériau de cette pièce écrite en 1932. Andalousie, terre sauvage, mère endeuillée : le drame qui va suivre est déjà en germe depuis bien longtemps dans la petite communauté où nous entrons. Dès le départ, la mère (qui n'a pas de nom, pas plus que la plupart des personnages), parle de couteau, de mort, de deuil. Elle voit déjà son dernier fils, qui va se fiancer, courir à la mort à la suite de son père et de son frère. On sent la malédiction peser dès le départ sur cette femme. Pourtant, elle veut préserver son dernier fils, elle veut des petits-enfants. Elle veut le préserver, peut-être, de fiançailles funestes (ce qu'elles ne seront bien entendu pas, je rappelle que le titre nous incite à penser que tout se passera très très bien). Elle cherche à apprendre quelque chose, n'importe quoi, sur cette fiancée mystérieuse, qui vit dans un lieu reculé, et dont on dit vaguement que c'est une fille bien. Elle interroge une voisine, qui n'en dit pas beaucoup. Car personne ne souhaite dire grand-chose dans cette pièce : les non-dits, les silences, les allusions sont pléthore.


Mais bien vite le lecteur est submergé (puisque les êtres humains ne veulent rien révéler) par des signes. Les chansons, le cheval qui galope dans la nuit, la chaleur écrasante, la poussière, les motifs du couteau, et, bien entendu, celui du sang, sont omniprésents. Et cette histoire qui semble se répéter inlassablement. Pas une histoire de vendetta qui n'en finit plus, comme chez Mérimée, mais une histoire plus ancienne, qui vient peut-être même de la nuit des temps. D'où, sans doute, l'absence de noms (excepté un), qui rend cette histoire intemporelle. La mère a vu son mari mourir, puis un de ses deux fils. Son dernier fils lui paraît bien parti pour suivre le même chemin. La fiancée aurait hérité de sa mère, dont on ne parle que par énigmes, une nature maudite. La cousine de la fiancée dit quant à elle clairement qu'elle est en train de revivre la même chose que sa propre mère. Vous l'aurez compris, Noces de sang, ce n'est pas juste une histoire de fiançailles et de mariage traditionnel arrangé qui tournent court, c'est une histoire de passion et de désir irrépressibles, de mort, de destin inéluctable. Même la Lune s'en mêle et y va de ses tirades - morbides, ça va de soi.



Je regrette que García Lorca ait un peu trop appuyé sur l'allégorie de la mort. On voit une mendiante apparaître, qui discute notamment avec la Lune, et on ne saurait se tromper sur son identité. Pourquoi, alors, avoir précisé un peu plus loin que la mendiante était la Mort ? On avait compris, quand même ! Mais surtout, j'ai eu la sensation de me heurter à certaines barrières. La première, c'est celle de la langue. J'ai lu la pièce en français, je n'ai pas eu accès à une version bilingue, et j'en ai été très frustrée, car j'avais la sensation qu'il me manquait quelque chose d'essentiel - on ressent souvent ça chez Shakespeare, entre autres, et assez souvent dans le théâtre, mais pas forcément à ce point. Il faut préciser que cette pièce est composée de façon très spécifique. Beaucoup de chansons traditionnelles, voire de danses, y sont insérées, et le changement de style est fréquent. On peut passer de dialogues qui passeraient pour réalistes à des passages carrément lyriques. Et ne pas connaître la poésie de García Lorca - ce qui s'applique à mon cas - n'aide pas vraiment non plus, pour le coup.


Noces de sang mériterait donc que je me remette sérieusement à l'espagnol et que je m'intéresse de plus près à l'auteur - sans parler de voir la pièce sur scène, ne serait-ce qu'à cause de la musique et des danses. Malgré ces inconvénients, je trouve que c'est une pièce qui vaut la peine d'être lue, même en français, et que l'écriture de cette critique m'a aidée, je pense, à l'appréhender.


Et puis, on ne le répétera jamais assez, qu'est-ce que c'est rigolo !



Challenge Théâtre 2020
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