L’éveil m'a saisi alors que je dormais. Une maison s'est construite en mon absence. Le jardin a fleuri. J'étais parti hors de moi, un domaine prenait forme.
A mon insu, quelqu'un posait les fondations d'un empire.
Où étais-je ? Mais étais-je ? Mes cellules s'éveillaient une à une à un devenir dont j'ignorais le trajet.
Tout travaillait pendant que l'enveloppe se reposait.
J'avais enfin lâché prise au-dedans. Je ne sentais plus rien, pourtant quelqu'un me faisait, caché de nuit comme de jour. La vraie vie était donc ailleurs, mais je n'étais pas un autre. J'étais sans moi. Était-ce possible ?
Je ne rêvais plus, j'étais rêvé. Je n'habitais plus, j'étais habité. Je ne désirais plus, j'étais désiré.
L'éveil illuminait mes ténèbres sans que je le sache. J'étais éveillé. Comment l'ai-je su ? Mon ancien moi qui se mourait, les autres qui s'étonnaient, l'Autre qui ne demandait rien. Alors les pourquoi se turent.
L'éveil était là, toujours là. Le silence, ami du mystère, me murmurait seulement un pourquoi pas. Je savais que j'étais vu. J'étais engendré du dedans, indigne de la souffrance qui m'avait amené à cet enfantement de l'homme nouveau.
La visite
La visite apaisante invente en toi des demeures où tu peux circuler en toute liberté. Ta pauvreté intérieure est la porte où la visite t'enrichit à même tes réserves. Ton contenu est infini quand la visite y loge. Elle te dépossède en te laissant être toi-même. Ta densité réside dans l'attente de cette visite, que ton être ne peut contenir totalement. Le vide t'enfonce dans l'abondance d'une espérance qui ne déçoit pas. Son poids t'installe dans l'attente et te transfigure par le simple souffle de sa présence. Tu es partout chez toi. Tu n'appartiens qu'à l'Autre. Toute la place est en sa possession. Tu te perds en lui, qui te devance sans cesse.
Tu ne peux pas aimer vraiment sans l'Autre qui épouse ta fragilité. Il triomphe quand il aime à travers toi. Tu es alors visite pacifiant pour les autres. Le banquet de l'amour est offert à ceux qui accueillent la possible visite. Les portes de la liberté s'ouvrent sur l'Autre. En Lui, la victoire est la tienne.
LA PAROLE
La parole en écho sort du silence. Elle est une fenêtre sur moi-même, le monde et l'Autre. Elle pousse à l'acte. La parole est dangereuse ; les poètes sont les premiers que les dictateurs enferment dans leurs prisons. Leurs mots se mêlent à leur sang, de siècle en siècles.
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(p.74)
Dehors, je me promène au-dedans de moi. Les images sont silencieuses. La vie se gagne à l'intérieur, surtout si elle semble perdue de l'extérieur.
Qu'est-ce que Charles de Foucauld a à nous dire aujourd'hui ? Lors de son passage en France Jacques Gauthier nous a fait la joie de nous rendre visite. L'occasion de nous parler de son ami saint Charles de Foucauld.