Une biographie à la fois documentée, polémique et parfois lyrique (même pour dénoncer l'horreur de l'enfermement au Mont Saint-Michel mais en parlant de l'océan, comme il l'est en parlant de l'enfance en haute-Provence ou du jeune-ménage), et ne craignant pas de jouer l'empathie en se mettant DANS Blanqui (mais en se basant sur des témoignages ou lettres sur lequel il brode).
Accessoirement, une utile révision de l'enchaînement des journées et révolutions du 19ème siècle, ou une leçon le cas échéant.
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Cette vie surhumaine, de douleur consentie, de sacrifice obstiné, ne peut être perdue. Elle a privé l’homme des joies habituelles, lui a infligé la douleur de ne pas être compris, aimé, lui a donné ce visage offensé… Mais l’exemple est acquis pour jamais. Dans le même individu ont cohabité deux sentiments égaux : la résignation, la révolte. Résigné pour lui, révolté pour tous. La résignation le met à la hauteur des plus stoïques. L’esprit de révolte du vieux Blanqui, salubre comme le sel de la mer, imprégnera l’Histoire.
La destinée de l’isolé a été réglée d’avance par les magistrats en robes rouges, fourrés d’hermine ; ils ont décidé quel espace il occuperait, à quelles heures diurnes il prendrait ses repas, à quelles heures nocturnes les rondes des guichetiers couperaient son sommeil, quelle profondeur de l’horizon pourrait fouiller son regard. Un calendrier invisible et inflexible a réglé pour lui le cours du temps, l’inoccupation des heures,
Deux mètres trente de long sur un mètre soixante de large, la muraille percée d’une lucarne, c’en est assez pour emmagasiner la poussée saccadée de l’ouragan et sa voix de fureur qui respire et qui expire, qui reprend haleine pour souffler plus fort.
Blanqui jeune va aux auteurs latins, aux beaux acteurs glabres de la République romaine, à la tragédie cornélienne, racinienne, et même voltairienne, considérée, malgré tant d’autres éléments compliqués, comme la transposition française de l’antiquité classique. Les serments des conjurés, les poignards agites aux mains des Brutus, l’émurent.
Armand Barbès, né à la Guadeloupe, revenu au pays de sa famille, arrivé de la région toulousaine à Paris, méridional comme Blanqui, mais du Midi languedocien et non provençal, gascon et non italien, méridional en dehors pendant que l’autre était méridional en dedans.
"L'enfermé" de Gustave Geffroy.