La voix et le rythme. Il semble que pour Maldiney, on trouve en tous les arts un élément musical : c’est le rythme. Celui-ci est au cœur de la création en tant que telle. Si Rousseau donnait une primauté à la mélodie, Maldiney donne une antériorité au rythme. (...) Le philosophe lyonnais parle du rythme antérieur au temps et à l’espace. Il ne s’agit donc pas d’un rythme marqué : ni compté dans la durée comme le fait la mesure musicale, ni scandé par des répétitions visibles comme en architecture ou en peinture. Le rythme est la genèse de la forme et de la formulation. La formulation est la formation de cette forme non visible qu’est la signification. Considérer le rythme, c’est donc s’introduire dans un chaos en retrait du monde, là où les formes et les significations ne sont pas encore formées ou formulées, où elles sont en cours en train. Eh bien, ce chaos, c’est la voix elle-même, c’est le chaos vocal (…)
Quand sa voix lui arrive, quand elle sort, l’homme est convoqué par un processus de formulation, il est mis au travail par l’autoproduction d’un sens. La con-vocation, c’est pour l’homme l’appel à se laisser mettre à l’œuvre par sa propre voix. Celle-ci convoque l’homme à entrer dans l’univers du sens selon un certain rythme, qui est le rythme de son dévoilement. (…)
« Le temps du rythme, écrit Maldiney, c’est un temps de présence et non pas un temps d’univers ». La convocation appelle l’homme à être présent, à être là pour ce processus de formulation qui ne peut se faire sans lui bien qu’il n’en soit pas le maître. Et, dans cette présence au sens, n’y est que par intermittence. Le rythme est l’alternance entre y être et n’y être pas. C’est un rythme d’existence où alternent la présence à la voix qui convoque et l’oubli de cette voix. Si bien que définir la musique par le rythme, c’est faire d’elle un appel, une convocation.
(Troisième partie : Intériorité et Extériorité de la voix – II. Voix de l’abîme, pp. 130-131).